Quatre journalistes expulsés de Guantanamo : Reporters sans frontières dénonce un black-out de l'information

Sur ordre du Pentagone, trois journalistes et un photographe ont été contraints de quitter la base militaire de Guantanamo où ils couvraient, depuis le 11 juin, les conséquences du suicide des trois détenus. Reporters sans frontières dénonce cette décision qui porte atteinte à la liberté de la presse.

Le 14 juin 2006, les journalistes Carol J. Williams, du Los Angeles Times, Carol Rosenberg, du Miami Herald , Michael Gordon, du Charlotte Observer et le photographe Todd Sumlin du Charlotte Observer, ont été contraints de quitter le centre de détention de Guantanamo suite à une décision du Pentagone. Ils avaient notamment couvert le suicide de trois détenus le 10 juin. Cette décision du Pentagone intervient au moment où l'existence de la base militaire de Guantanamo est internationalement contestée. Les derniers événements auraient dû inciter l'administration Bush à opter pour plus de transparence concernant le fonctionnement de la base. Cette décision décrédibilise l'administration américaine et porte à croire qu'elle s'évertue à dissimuler des faits touchant à l'activité du centre. “Nous dénonçons la décision du Pentagone et nous appelons le gouvernement américain à prendre les mesures nécessaires pour garantir aux médias un accès libre à la base militaire de Guantanamo”, a déclaré Reporters sans frontières. Michael Gordon et Todd Sumlin se trouvaient à Guantanamo au moment du suicide de trois détenus, le 10 juin. Ils avaient obtenu l'autorisation d'accéder à la base pour faire le portrait d'un des responsables de la prison, le colonel Mike Bumgarner, originaire de Caroline du Nord où est basé leur journal. Carol J. Williams et Carol Rosenberg, ainsi que huit autres journalistes, devaient, quant à eux, couvrir l'audience d'un détenu éthiopien, prévue le 12 juin. Suite aux événements du 10 juin, cette audience a été repoussée et l'autorisation d'accès à Guantanamo leur a été retirée. Cependant, selon le Los Angeles Times, Carol J. Williams et Carol Rosenberg avaient réussi à obtenir l'accord du commandant de la base navale américaine, le contre-amiral Harry Harris Jr., pour accéder à la base. Selon le Los Angeles Times, les trois reporters ont commencé, le 11 juin, à enquêter sur les conséquences des trois suicides et à mener des interviews, dont une du chef du Commandement Sud, John Craddock. Jeffrey D. Gordon, porte-parole du Pentagone, a déclaré à Editor & Publisher que l'ordre donné aux journalistes de quitter Guantanamo n'avait aucun lien avec les reportages qu'ils avaient réalisés, même si un article écrit par Michael Gordon pouvait être controversé. Il a précisé que plusieurs médias avaient menacé d'engager des procédures si leurs reporters n'obtenaient pas l'autorisation d'accéder à la base ou si certains médias étaient privilégiés par rapport à d'autres. Cynthia Smith, une autre porte-parole du Pentagone, a assuré que cette décision répondait donc à une volonté d'impartialité et d'équité. Elle a ajouté qu'il était impossible de permettre à tous les médias d'accéder à la prison. Selon elle, le personnel militaire de la base est actuellement monopolisé par l'enquête sur les trois suicides et sur le renforcement de la sécurité de la prison. Pour l'administration, l'arrivée d'un grand nombre de médias n'est pas envisageable actuellement. Cependant, selon Doug Frantz, directeur du Los Angeles Times, “expulser Carol J. Williams et ses collègues est un comportement digne de l'âge de pierre qui ne fait que nourrir les soupçons sur ce qui se passe à Guantanamo. Si l'administration militaire n'avait rien à cacher, elle aurait alors probablement respecté la décision du commandant de la base navale et le professionalisme des journalistes”. A de nombreuses reprises, les autorités militaires ont entravé le travail des journalistes à Guantanamo, sous prétexte de "sécurité opérationnelle". Cependant, en octobre 2003, l'interdiction de poser des questions sur les enquêtes en cours avait été levée.
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Updated on 20.01.2016