Quatorze ans de prison pour un journaliste, arrestations et intimidations se succèdent
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Reporters sans frontières dénonce un renforcement inquiétant de la répression, ces derniers mois, qui contredit, une fois encore, les intentions manifestées par le gouvernement cubain avec la signature en 2008 des deux pactes internationaux des Nations unies sur les droits de l’Homme*, dont on attend toujours la ratification. “L’espoir suscité par les libérations, en 2010, des prisonniers du printemps noir s’amenuise. La communauté internationale doit dénoncer ce durcissement, et en particulier les pays latino-américains, qui doivent placer la question des droits de l’homme et de la liberté d’information au cœur de leurs relations avec Cuba, alors que pays cherche la voie de l’intégration”, a déclaré l’organisation.
D’autre part, Reporters sans frontières a appris que le journaliste José Antonio Torres ferait appel à sa condamnation, mais craindrait de se voir infliger une peine plus lourde. Correspondant pour le quotidien officiel Granma à Santiago de Cuba (seconde ville de l’île, à l’est), le journaliste avait été condamné en juillet 2012 à 14 ans de prison pour “espionnage“ et s’était vu retirer son diplôme universitaire de journalisme. Arrêté en 2011, il avait notamment publié des reportages sur la mauvaise gestion d’un projet de construction d’aqueduc à Santiago de Cuba, et sur l’installation du câble de fibre optique entre Venezuela et Cuba.
Calixto Ramón Martínez Arias, journaliste indépendant et correspondant du centre d’information Hablemos Press, est en grève de la faim depuis six jours afin de protester contre les conditions de détention de la prison Valle Grande ou il a été transféré le 10 novembre dernier. Emprisonné depuis le 16 septembre 2012, il risque jusqu’à trois ans de prison pour “outrage au chef de l’Etat“ suite à la publication, avant les autorités cubaines elles-mêmes, d’informations sur une épidémie de choléra et de dengue.
“Calixto Ramón Martínez Arias est détenu depuis trop longtemps maintenant. Nous appelons les autorités cubaines à libérer le journaliste qui n’a fait qu’exercer son métier“ a déclaré Reporters sans frontières.
Ces dernières nouvelles interviennent alors qu’une inquiétante vague de répression s’abat sur l’île ces derniers mois. Les journalistes du centre d’information Hablemos Press sont constamment victimes de menaces et de détentions arbitraires. Roberto de Jesús Guerra Pérez, journaliste et directeur de Hablemos Press, et Jaime Leygonier, journaliste pour ce même centre d’information, ont subi des interrogatoires et des menaces plusieurs heures durant, respectivement les 1er et 8 novembre 2012. Enyor Díaz Allen, correspondant à Guantanamo pour Hablemos Press, a quant à lui été arrêté dans la matinée du mardi 6 novembre 2012, et détenu pendant 77 heures tandis que la totalité de son matériel de travail a été confisqué (un ordinateur, deux appareils photos et un téléphone portable).
Le 7 novembre 2012, 11 dissidents qui s’étaient rendus à la station de police chercher des informations sur la situation de l’avocate Yaremis Flores, détenue pour “délit contre l’Etat“, ont été arrêtés. Parmi eux, le blogueur et activiste politique Antonio Rodiles. Accusé de délit de “résistance“ par les autorités, Rodiles se trouve encore à ce jour en détention préventive, et risque une peine de prison comprise entre 3 mois et un an.
Au lendemain de cette première vague d’arrestations, un second groupe de personnes se sont rendus à la station de police pour obtenir à leur tour des informations sur la situation de ces dissidents. A nouveau, 16 personnes avaient été arrêtées pour « désordre public et indiscipline sociale » dans une action « délibérément montée par les autorités US ». Parmi eux, la blogueuse Yoani Sánchez.
Il s’agissait alors de sa seconde détention en deux mois. Le jeudi 4 octobre 2012, Yoani Sánchez avait été arrêtée avec son mari, le journaliste indépendant Reynaldo Escobar, et détenue pendant 30 heures, alors qu’elle venait couvrir à Bayamo le procès de l’activiste politique espagnol Angel Carromero. Celui-ci est impliqué dans un accident de la route au cours duquel la figure de l’opposition cubaine Oswaldo Paya a perdu la vie le 22 juillet 2012. A l'issue de sa libération le lendemain, la blogueuse avait déclaré sur Twitter : "Durant ma détention, j'ai refusé de manger et de boire tout liquide, premier verre d'eau que je prends en arrivant à la maison, sur un œsophage en feu". Elle avait par la suite dénoncé des mauvais traitements, qui lui avaient valu une dent cassée.
Le 12 novembre 2012, la CIDH (Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme) avait annoncé qu’elle accordait des mesures préventives afin de garantir la vie et l’intégrité physique de Yoani Sánchez et de ses proches, suite à la plainte déposée par la blogueuse contre Cuba pour violation systématique de ses droits et négation de sa liberté de circuler. La blogueuse s’est déjà vu refuser 20 visas depuis 2007. Le jour même de la seconde détention de Yoani Sánchez, le 8 novembre 2012, la SIP (Sociedad Interamericana de Prensa) l’avait désignée vice-présidente régionale pour Cuba de sa Commission de Liberté de la Presse et de l’Information, chargée de superviser la liberté de la presse dans l’île.
* Cuba a signé en 2008 le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Publié le
Updated on
20.01.2016