Quand le président du Soudan du Sud donne le permis de tuer les journalistes

Le 16 août, le président du Soudan du Sud, Salva Kiir, menaçait de tuer des journalistes. Trois jours plus tard, le reporter Peter Moi a été abattu dans la capitale, Juba. La situation au Soudan du Sud est terrible.

Lors d’une conférence de presse dimanche 16 août, le président Salva Kiir menaçait de faire assassiner les journalistes qui « travaillent contre leur pays ». Écartant les récriminations sur l’état de la liberté de la presse dans le pays, il déclarait : « Mais la liberté d’expression ne veut pas dire que vous pouvez travailler contre votre pays. Et si l’un d’eux ne sait pas que ce pays a tué des gens, nous le démontrerons sur leur dos un jour. ». En matière de menaces de mort, on ne peut pas faire plus clair.



Trois jours plus tard, mercredi 19 août, le collaborateur du média numérique New Nation et de The Cooperate Newspaper, Peter Moi, a été abattu par des hommes armés non identifiés alors qu’il sortait du travail pour rentrer chez lui. Les agresseurs n’ont dérobé ni l’argent ni le téléphone du journaliste. Selon le syndicat des journalistes du Soudan du Sud, il s’agirait d’un assassinat. L’homicide, s’il ne peut pour l’heure être directement relié à sa profession ni directement au discours de Salva Kiir, s’inscrit dans un climat d’extrême insécurité pour les journalistes du pays.




« Qu’un chef d’Etat menace de mort les journalistes de son pays est proprement criminel, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Certaines paroles peuvent tuer, surtout quand elles émanent d’un président de la République. Nous appelons Salva Kiir à retirer ses propos au plus vite et lancer un message fort pour condamner les crimes commis contre les journalistes. S’agissant de la dégradation de la situation sécuritaire générale des journalistes, sa responsabilité est clairement engagée. Concernant Peter Moi, les autorités sud-soudanaises doivent garantir que l’enquête sur ce crime sera indépendante, impartiale et approfondie, afin d’apporter au plus vite des réponses à ses proches. »




Ce crime porte à sept le nombre de journalistes assassinés depuis le début de l’année au Soudan du Sud. L’enquête sur le meurtre du journaliste de radio Tamazuj James Raeth le 20 mai, dernier en date de cette liste, n’a toujours pas été résolue. Depuis le début de la guerre civile en décembre 2013, le gouvernement de Salva Kiir s’est montré résolu à laisser la liberté d’information de côté dans la voie du « tout sécuritaire ». Le Soudan du Sud est situé à la 125e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en février 2015.

Publié le
Updated on 31.05.2016