Projet de loi Perben : Menace sur le secret des sources des journalistes

Dans une lettre adressée à Dominique Perben, ministre de la Justice, Reporters sans frontières a exprimé sa profonde inquiétude suite au dépôt d'un projet de loi qui vise à compléter la loi Sarkozy relative à la sécurité intérieure et qui prévoit des moyens d'investigation supplémentaires, notamment en matière de réquisition et de perquisition. « Ce projet de loi porte un nouveau coup au secret des sources des journalistes », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. « Même si les perquisitions dans les locaux des médias sont toujours soumises à un régime spécial, il n'empêche que ces dispositions font peser une nouvelle menace sur les sources des journalistes puisqu'il suffit que ces derniers soient « susceptibles » de détenir des informations intéressant une enquête pour se retrouver dans le collimateur de la justice. De plus, s'ils ne répondent pas à la demande d'informations d'un procureur de la République ou d'un juge d'instruction, ils pourront être condamnés à une amende. Nous le répétons, il n'est pas question de transformer les journalistes en auxiliaires de la justice. » Le 9 avril 2003, Dominique Perben a présenté en Conseil des ministres un projet de loi « portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ». Ses articles 28 et 49 notamment prévoient qu'un juge d'instruction, un procureur de la République ou un officier de police judiciaire « peut requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents ou des informations intéressant l'enquête, y compris celles figurant dans des fichiers nominatifs, de lui remettre ces documents ou de lui communiquer ces informations, sans que puisse lui être opposée l'obligation au secret professionnel ». Il est également prévu que si la personne ne répond pas cette demande, elle peut être punie d'une amende de 3 750 euros. Les dispositions actuelles du code pénal prévoient que les perquisitions dans les locaux d'un média ne peuvent être faites que par un magistrat mais, comme l'a toujours dénoncé Reporters sans frontières, le domicile du journaliste, qui peut être perquisitionné par un simple officier de police judiciaire, ne bénéficie d'aucune protection. Le projet de loi Perben aggrave cet état de fait et fait peser une menace encore plus grande sur le journalisme d'investigation et les journalistes indépendants. En l'état actuel du droit, le journaliste n'est pas tenu au secret professionnel, contrairement à l'avocat ou au médecin. Il peut toutefois garder le secret sur l'identité de son informateur lorsqu'il est entendu comme témoin par un juge et seulement dans ce cas (article 109 alinéa 2 du code de procédure pénale). Avec ce projet, on assiste à un recul du droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources. La Cour européenne des droits de l'homme a pourtant consacré cette protection (arrêt Goodwin contre Royaume-Uni du 27 mars 1996) comme l'une des « pierres angulaires de la liberté de la presse ». La Cour européenne considère que « l'absence d'une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d'aider la presse à informer le public sur des questions d'intérêt général. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de « chien de garde » de la démocratie ».
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Updated on 20.01.2016