Procès d'un blogueur citoyen : témoins et journalistes privés d'audience

Reporters sans frontières condamne l’impossibilité pour plusieurs témoins, dont l’artiste blogueur Ai Weiwei, ainsi que deux journalistes hongkongais, Wong Ka-yu et Wu Siu-wing, de se rendre au tribunal de Chengdu (Sichuan, sud-ouest de la Chine), où s’est ouvert, le 12 août 2009, le procès du blogueur, Tan Zuoren, âgé de 55 ans. Détenu depuis le 28 mars 2009, et accusé "d’incitation de subversion à l’Etat" pour ses critiques contre le gouvernement, Tan Zuoren encourt une peine de cinq ans de prison. Le verdict est encore en délibéré. "Les charges qui pèsent sur Tan Zuoren sont injustifiées. De plus, ce procès est privé de tout sens par l’intervention de la police afin d’empêcher le blogueur de se défendre. Il ne s’agit pas de justice, mais de sa parodie", a déclaré Reporters sans frontières. "Deux journalistes journalistes de la chaîne hongkongaise NOW TV ont été également retenus dans leur chambre pendant sept heures", a ajouté l’organisation. Tan Zuoren, coauteur du blog 64tianwang avec Huang Qi, dissident également emprisonné, avait dénoncé à plusieurs reprises la répression du mouvement étudiant du 4 juin 1989. A la suite du séisme meurtrier de mai 2008, Tan Zuoren avait organisé des dons de sang à Chengdu, le 4 juin, date d’anniversaire du mouvement étudiant réprimé. Le blogueur, relayé par l’artiste Ai Weiwei, s’est également illustré par son enquête cherchant à établir le nombre d’enfants tués lors du séisme. En effet, la facilité avec laquelle s’étaient effondrées nombre d’écoles, qualifiées par la société civile de bâtiments « en tofu », avait contrasté avec la solidité des bâtiments du gouvernement. L’enquête sur ces constructions de qualité médiocre était, selon les auteurs, potentiellement dangereuse pour certains officiels locaux car elle pouvait révéler des cas de corruption. Ses résultats devaient être présentés avant le premier anniversaire de la catastrophe sur le blog d’Ai Weiwei, finalement bloqué (voir la page du site bloqué . Ce n’est qu’un an après le séisme que le gouvernement avait rendu publiques ses propres statistiques estimant à 5 335 les enfants victimes du tremblement de terre. Au matin du 12 août 2009, Ai Weiwei et dix autres personnes ont été empêchés par des policiers armés de se rendre au tribunal. Les témoins n’ont pu sortir de l’hôtel qu’une heure après la fin de l’audience. Selon Pu Zhiqiang, l’avocat de Tan Zuoren, la police ne voulait laisser personne témoigner en faveur de son client. A l’instar de Tan Zuoren, Ai Weiwei n’avait pas attendu le tremblement de terre de mai 2008, pour être critique envers le Parti Communiste Chinois. Ancien consultant lors de la conception du stade olympique au début des années 2000, l’artiste s’était dissocié du projet, qualifiant les JO de « faux sourire », car, selon lui, seuls les puissants en étaient les bénéficiaires. La police n’a pas seulement empêché les témoins de prendre part à l’audience, puisque deux journalistes de la chaîne privée de Hong Kong NOW TV ont été également gênés dans l’exercice de leur fonction. Venus couvrir le procès, ces derniers avaient interviewé Ai Weiwei à l’hôtel, juste avant l’irruption de la police. « Les policiers n’ont montré ni leur insigne de police ni leur mandat. Ils se sont contentés de dire qu’ils pouvaient fouiller ma chambre sur soupçon de possession de substances illicites », a expliqué Wong Ka-Yu, l’une des journalistes qui a réussi à filmer secrètement la fouille (voir lien ). Dans l’après-midi, NOW TV a publié un communiqué condamnant « une obstruction insolente » au travail de reporters. Par ailleurs, la chaîne a adressé une plainte au Bureau des Affaires de Hong Kong et Macau et a demandé aux autorités locales de s’expliquer, selon le communiqué.
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Updated on 20.01.2016