Plusieurs faux pas préoccupants dans l'application des régulations pour les médias étrangers
Organisation :
Reporters sans frontières est très préoccupée par une série d'incidents qui démontrent que certains, au sein de l'Etat chinois, n'ont pas l'intention de respecter les nouvelles règles concernant les journalistes étrangers. En l'espace de quelques jours, une équipe de la BBC a été expulsée d'une ville du Hunan (Centre), le correspondant d'un site basé à l'étranger a été interdit de travail et des médias ont été empêchés de couvrir la récente réunion de l'Assemblée populaire.
"Le gouvernement n'a visiblement pas fait tous les efforts nécessaires pour que la liberté de mouvement et de travail des correspondants des médias étrangers soit réellement assurée. A quoi bon proclamer de nouvelles régulations si elles ne sont pas respectées ? Nous demandons au gouvernement de sanctionner ceux qui empêchent les journalistes de travailler et de rappeler les nouvelles règles à tous les niveaux de l'Etat. Il reste encore beaucoup à faire pour que la liberté de la presse soit garantie avant les Jeux olympiques de Pékin", a affirmé l'organisation.
Par ailleurs, Reporters sans frontières est indignée par les propos de Zhou Yongkang, ministre chinois de la Sécurité publique, qui a appelé, le 19 mars, les services de sécurité à intensifier la répression contre les "forces hostiles" (sectes religieuses et mouvements séparatistes) pour créer une "société harmonieuse" avant les Jeux olympiques.
Le 15 mars, deux journalistes de la BBC World Service, dont James Reynolds, se sont rendus à Zhushan, dans la province du Hunan (Centre), pour enquêter sur les violentes émeutes qui venaient d'y avoir lieu. Les habitants protestaient contre l'augmentation du prix des transports publics. Ils ont pu entrer dans la ville, constater les dégâts et interviewer des habitants. Alors qu'ils tentaient d'en savoir un peu plus sur les rumeurs de la mort d'un étudiant, plusieurs policiers et militaires les ont interpellés. Ils ont été conduits dans une chambre d'hôtel pour être soumis à un interrogatoire. Six officiers les ont questionnés, filmés et photographiés. Deux officiers supérieurs sont ensuite intervenus pour leur reprocher de ne pas avoir obtenu la permission de se rendre à Zhushan. "Vous n'êtes pas aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Ici, c'est la Chine," a affirmé l'un d'entre eux. L'un des journalistes leur a expliqué que le gouvernement de Pékin avait adopté une nouvelle réglementation qui permet aux journalistes étrangers de se déplacer librement en Chine. "C'est seulement pour les informations liées aux Jeux olympiques, et je ne crois pas que vous soyez venus ici pour les JO", a rétorqué l'officier.
Reporters sans frontières est scandalisée par le traitement réservé au journaliste Sun Lin, plus connu sous son nom de plume Jie Mu, qui collabore avec le site d'informations Boxun, basé aux Etats-Unis, qui s'est vu retirer sa carte de presse. Un représentant du ministère des Affaires étrangères à Nanjing (Est) s'est rendu, le 16 mars, chez le journaliste pour lui ordonner de cesser d'écrire. Jie Mu, fondateur du journal interdit Da Du Shi, a expliqué à Reporters sans frontières qu'il avait publié des enquêtes sur des abus d'autorité, mais qu'il n'avait jamais rien fait d'illégal. Reporters sans frontières demande au gouvernement de lui restituer sa carte de presse, et de permettre aux correspondants des sites chinois basés à l'étranger de travailler sans entraves.
Par ailleurs, les autorités n'ont toujours pas précisé si la fin des restrictions d'aller et venir s'appliquait également au Tibet, au Xinjiang et à la Mongolie intérieure. Certains correspondants se sont récemment déplacés sans entraves dans ces régions, bien qu'il soit toujours nécessaire de disposer d'une autorisation spéciale pour les étrangers. Reporters sans frontières demande au gouvernement de clarifier cette incertitude et d'ouvrir ces régions à la presse.
Alors même que le Comité organisateur des JO de Pékin a promis une totale liberté pour la presse, les autorités centrales et locales renforcent le contrôle sur les médias chinois. Par exemple, la municipalité de Pingdu, dans la province du Shandong (Est), a ordonné à ses services de tout faire pour réduire au minimum les "reportages négatifs". On assiste également à une multiplication de la censure d'oeuvres intellectuelles. Le 19 mars, une cour de Pékin a rejeté la plainte de l'écrivain et ancien journaliste Dai Huang contre l'Administration générale de la presse et des publications qui a interdit en janvier la réédition de l'un de ses ouvrages. L'écrivain Zhang Yihe a également porté devant les tribunaux l'interdiction de son livre.
De son côté, l'Administration d'Etat de la radio, des films et de la télévision a, fin janvier, ordonné aux chaînes de télévision de ne plus diffuser en "prime time" des émissions et des films qui vont à l'encontre des "valeurs du Parti communiste." Par ailleurs, les médias se sont vu interdire de couvrir, sans autorisation préalable, les anniversaires des dirigeants du Parti communiste et des événements historiques.
Par ailleurs, la réunion de l'Assemblée populaire a été marquée par des refus d'accréditation de journalistes. Ainsi le service chinois de la BBC World Service et le journal taïwanais Apple Daily se sont vu refuser des visas pour venir couvrir cet événement politique à Pékin. Toutefois la majorité des journalistes étrangers ont pu, pour la première fois, interroger librement des députés et des experts.
Le magazine économique Caijin, source d'information privilégiée de la communauté internationale, a été contraint de censurer un article sur l'adoption d'une nouvelle législation sur la propriété privée. La rédaction a également été obligée de retirer des articles de son site Internet. La censure touche également les chaînes de télévision étrangères, comme ce fut le cas, le 10 mars, lors de l'interview par CNN de Donald Tsang, dirigeant de Hong Kong,.
Le 16 mars, certains passages de la conférence de presse annuelle du Premier ministre Wen Jiabao ont été censurés dans les médias chinois quand il a été interrogé par des correspondants étrangers sur des sujets sensibles. Un journaliste français lui avait notamment posé une question sur l'ancien chef du Parti, Zhao Ziyang, mort en disgrâce.
Dix demandes de Reporters sans frontières avant les Jeux olympiques de Pékin :
1. Libération des journalistes, notamment Zhao Yan et Ching Cheong, et des internautes emprisonnés en Chine pour avoir exercé leur droit à l'information.
2. Abolition des articles restrictifs, notamment 14 et 15, du Guide des correspondants étrangers qui limitent la liberté de mouvement des journalistes.
3. Retrait des mesures de censure dans le projet de loi sur la gestion des situations de crise.
4. Dissolution du Département de la publicité (ex-Département de la propagande) qui contrôle quotidiennement le contenu de la presse chinoise.
5. Fin du brouillage des radios internationales.
6. Fin du blocage de milliers de sites Internet d'informations hébergés à l'étranger.
7. Suspension des "11 commandements du Net" qui instituent la censure et encouragent l'autocensure des informations.
8. Abolition des listes de journalistes et militants des droits de l'homme interdits de séjour en Chine.
9. Retrait de l'obligation imposée aux médias chinois de ne pas utiliser sans autorisation les images et les informations des agences internationales.
10. Légalisation des associations indépendantes de journalistes et de militants des droits de l'homme.
Publié le
Updated on
20.01.2016