Pakistan : deux journalistes du Sindh enlevés par les forces de sécurité
Les forces de police de la province du Sindh, dans le sud-est du Pakistan, ont récemment reconnu qu’elles détenaient deux journalistes portés disparus le mois dernier. Face à l’inconsistance des chefs d’accusation retenus contre eux, Reporters sans frontières (RSF) exige leur libération immédiate.
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Actualisation :
Après plus d’un mois de détention, le journaliste Kamran Sahito a été libéré sous caution vendredi 9 mars, sur ordonnance du tribunal de Hyderabad et du tribunal de Jamshoro. Reporters sans frontières (RSF) salue la décision des autorités du Sindh et les appelle à libérer également le journaliste Rafaqat Ali Jarar, arrêté le 15 février dernier dans des conditions similaires.
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Rafaqat Ali Jarar, correspondant du Daily Koshish à Tanda Bago, dans le sud de la province du Sindh, a été enlevé le 15 février par des hommes armés. C’est seulement le 2 mars que la police a finalement reconnu détenir le journaliste. Accusé de “terrorisme”, il ferait partie, selon les forces de sécurité, d’un groupe formé par la Research and Analysis Wing (R&AW), le contre-espionnage indien - sans que l’on ait plus de détail sur ce groupe.
Kamran Sahito, qui travaille pour le Sindh Express et le réseau BOL TV, a quant à lui été enlevé dans des conditions similaires le 6 février dernier, à Hyderabad, à une centaine de kilomètres. Après que son père a porté plainte auprès de la cour, et après des dénégations répétées de la police, un juge d’Hyderabad a exigé des forces de sécurité, le 28 février, qu’elles présentent le journaliste sous trois jours. Malgré son professionnalisme reconnu par ses confrères, il est désormais officiellement accusé de “cambriolage”.
“Ces procédures grossières et ces chefs d’accusation fallacieux confinent à l’absurde, regrette Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Les journalistes sont clairement les victimes collatérales de la répression implacable que les forces de sécurité pakistanaises livrent aux voix indépendantes dans le Sindh. Nous appelons le gouvernement à dépêcher une commission d’enquête indépendante pour faire la lumière sur ces arrestations arbitraires. La police doit cesser d’être le bras armé d’intérêts particuliers, comme c’est trop souvent le cas dans cette province.”
Dans le Sindh, un territoire encore marqué par une forte empreinte féodale et un conservatisme tribal persistant, les journalistes d’investigation subissent des pressions constantes des forces de sécurité. Le frère de Rafaqat Ali Jarar, Nasrullah Jarar, lui-même journaliste, a expliqué à RSF que l’enlèvement du reporter serait un acte de rétorsion après les enquêtes qu’ils ont menées auprès des producteurs locaux de sucres de canne, lesquels se plaignent du sort que leur réservent les grands propriétaires terriens liés aux politiciens de la province.
Le père de Kamran Sahito, pour sa part, dit craindre pour l’intégrité physique de son fils, qui pourrait servir d’exemple pour intimider les autres professionnels des médias dans la province.
Le 5 août dernier, un autre reporter du Sindh Express, Ghulam Rasool Burfat, avait été porté disparu. Basé à Jamshoro, à côté d’Hyderabad, il aurait enquêté d’un peu trop près sur les mouvements séparatistes de la province. Quatre jours plus tard, c’est le secrétaire général du Club de la Presse de Jamshoro, Badal Nohani, qui a été enlevé par des hommes masqués. Malgré des manifestations répétées de leur famille et de leurs confrères, les autorités provinciales entretiennent depuis un silence de plomb sur la question.
Le Pakistan se situe à la 139ème sur 180 pays dans l’édition 2017 du Classement mondial pour la liberté de la presse établi par RSF.