Le journaliste, porté disparu depuis décembre 2005, a été assassiné dans la zone tribale du Nord Waziristan. Son corps a été retrouvé le 16 juin. Reporters sans frontières, horrifiée par cet assassinat, demande aux autorités de mener une enquête exhaustive et impartiale.
Reporters sans frontières demande au Premier ministre pakistanais Shaukat Aziz de suivre les recommandations des organisations pakistanaises de journalistes suite à l'assassinat du reporter Hayatullah Khan.
"Nous soutenons la proposition d'une commission d'enquête dirigée par une personnalité indépendante et incluant au moins un journaliste, afin d'éclaircir les circonstances de l'enlèvement et de la mort d'Hayatullah Khan. Si ce meurtre reste impuni, c'est toute la profession qui sera en droit de considérer l'Etat comme un ennemi des journalistes d'investigation", a déclaré l'organisation. Reporters sans frontières rappelle qu'un autre journaliste pakistanais, Munir Mengal, directeur de la chaîne en baloutche Baloch Voice, a été enlevé, le 7 avril dernier, par des agents des services secrets à l'aéroport international de Karachi. "Le sort réservé à Hayatullah Khan nous fait craindre aujourd'hui pour la vie de Munir Mengal. Nous demandons sa libération immédiate", a conclu l'organisation.
Le 19 juin 2006, une délégation de journalistes de Peshawar a rencontré le gouverneur de la Province de la Frontière du Nord-Ouest, le lieutenant-général Muhammad Jan Aurakzai, pour lui demander d'inclure un journaliste dans l'équipe chargée d'enquêter sur l'assassinat d'Hayatullah Khan. Le gouverneur a refusé.
La veille, lors d'une conférence de l'organisation South Asia Free Media Association (SAFMA) à Karachi (Sud), le Premier ministre Shaukat Aziz avait déclaré qu'une enquête judiciaire, dirigée par un juge de la Haute cour de Peshawar, avait déjà été lancée et que le gouvernement allait offrir une compensation financière à la famille de Hayatullah Khan. Le chef du gouvernement a qualifié l'annonce de la mort du journaliste de "malheureuse et perturbante".
Le même jour, plus de 800 habitants avaient participé à un rassemblement dans la région tribale de Bajaur en lançant des slogans tels que "Nous voulons la liberté de la presse", "Nous demandons la protection des journalistes des zones tribales" et "Arrêtez les assassins de Hayatullah".
Le 17 juin, près de 5000 personnes avaient assisté aux funérailles de Hayatullah Khan. Le journaliste laisse derrière lui une veuve et trois enfants en bas âge. Le même jour, à Islamabad, des journalistes et des membres de l'opposition avaient quitté le Parlement en signe de protestation contre l'assassinat du reporter. Ils s'étaient rendus devant les résidences du Premier ministre et du Président en scandant : "Assassin, assassin, le gouvernement est l'assassin."
Le ministre de l'Intérieur, Aftab Khan Sherpao, a déclaré que les autorités "mettraient tout en oeuvre afin de punir les responsables de cet acte barbare". Il a également rencontré des journalistes et leur a garanti que les services secrets pakistanais n'avaient pas kidnappé Hayatullah Khan. Le ministre a affirmé que les forces de sécurité avaient tout fait pour le retrouver vivant.
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16.06.2006Hayatullah Khan retrouvé mort six mois après sa "disparition"
Reporters sans frontières est horrifiée par la découverte du corps sans vie d'Hayatullah Khan, journaliste du quotidien en ourdou Ausaf et photographe pour l'agence European Press Photo Agency (EPA) au Nord Waziristan. Il a été assassiné de plusieurs balles dans la tête.
"La mort d'Hayatullah Khan laisse un goût très amer. Si rien ne permet d'être sûr de l'identité des assassins, de nombreux éléments désignaient les services secrets pakistanais comme les auteurs de l'enlèvement du journaliste originaire des zones tribales. Aujourd'hui, si les autorités veulent éviter que les soupçons se portent sur elles, il est urgent qu'elles mènent une enquête exhaustive et impartiale", a affirmé Reporters sans frontières.
"Notre mobilisation et celles de sa famille et des membres de l'Union des journalistes des zones tribales (TUJ) n'auront malheureusement pas permis de sauver Hayatullah Khan. Cette affaire doit nous inciter à défendre sans relâche les journalistes des zones tribales pakistanaises, victimes du conflit entre l'armée et les groupes djihadistes", a ajouté l'organisation.
Le 16 juin 2006, le corps du reporter Hayatullah Khan a été retrouvé dans la zone montagneuse de Khaisor, à quatre kilomètres au sud de Mir Ali dans la zone tribale du Nord Waziristan. Un fonctionnaire pakistanais basé à Mir Ali a confirmé à Reporters sans frontières que la dépouille avait été identifiée et rendue à sa famille.
Selon un témoignage recueilli par Reporters sans frontières, le corps du reporter portait des impacts de balles à la tête. "Il était menotté, paraissait très maigre et sa barbe avait poussé, ce qui peut faire penser qu'il a été détenu dans des conditions de détention très difficiles."
"Nous sommes choqués par sa mort, en tant qu'amis et collègues", a déclaré Sailab Mehsud, président de la TUJ. Au cours des six mois de sa disparition, de nombreux journalistes pakistanais avaient pointé du doigt les services secrets militaires. Ainsi Pervez Shaukat, président de l'Union fédérale des journalistes du Pakistan, avait accusé, en février, les autorités d'intimider ceux qui se mobilisent en faveur d'Hayatullah Khan. En effet, un collaborateur du gouverneur avait déclaré à des journalistes de Peshawar : " Plus vous faites de bruit, plus vous prolongez la captivité d'Hayatullah."
Hayatullah Khan avait été enlevé le 5 décembre 2005 à Mir Ali par cinq hommes armés.
Quelques jours auparavant, le journaliste avait enquêté sur les circonstances de la mort d'un chef arabe d'Al-Qaïda, Hamza Rabia. L'armée pakistanaise avait affirmé que le djihadiste avait été tué dans l'explosion accidentelle de munitions. Hayatullah Khan avait contredit l'armée en affirmant que celui-ci avait été tué par un missile américain. Il appuyait ses affirmations par des photographies prises sur les lieux de l'incident. Les villageois témoins de l'explosion confirmaient également la version d'une attaque par un drone ou un avion.
Après avoir été accusées de détenir le journaliste, les autorités américaines, par la voix du consul américain à Peshawar, Mike Spangler, avaient déclaré, le 10 mai, que les Etats-Unis "ne détiennent aucune information sur lui".
En 2002, Hayatullah Khan avait déjà été arrêté de manière arbitraire par les forces armées américaines alors qu'il était parti en reportage dans une zone frontalière entre le Pakistan et l'Afghanistan pour enquêter sur les activités d'Al-Qaïda et des taliban. En 2003, il avait été harcelé par des militaires pakistanais suite à la publication d'un article sur la mauvaise gestion des véhicules de l'armée à Mir Ali.