L'Union européenne adopte des règles qui pénalisent les internautes

Reporters sans frontières s’inquiète fortement des conséquences pour les internautes, et notamment les blogueurs, de l’adoption par l’Union européenne du Paquet Télécom. "C'est bien le droit à l'égalité dans l'accès au Réseau qui est atteint avec ce Paquet Télécom. L'Union européenne aurait dû envoyer un signal fort aux internautes en refusant de créer un Internet à deux vitesses", a affirmé l'organisation, signataire d’une lettre ouverte de septembre dernier avec plus de quatre-vingts organisations issues de quinze Etats membres de l’Union européenne. "Le Conseil européen laisse les opérateurs décider de façon discrétionnaire et aléatoire de l’usage des bandes passantes, pratique qui existe déjà et que la "neutralité du Net" interdit en principe", a poursuivi Reporters sans frontières. A Bruxelles, l’Union européenne débat, depuis un an, d’un ensemble de règles régissant l’accès à Internet par ordinateur ou téléphonie mobile, le Paquet Télécom. Le Conseil européen en est actuellement à la deuxième lecture du projet, qui devrait se terminer à la fin du mois d’octobre. Le Paquet Télécom est l’occasion pour l’Union européenne de garantir la neutralité d’Internet, mais tous les amendements du Parlement européen qui avaient été proposés dans ce sens ont été rejetés par le Conseil. Ainsi, le Paquet Télécom semble bien parti pour être adopté tel quel, au mépris de la neutralité du Net. La "neutralité du Net" signifie l’égal accès de tous au même Internet sans restrictions techniques. C’est le droit pour tout internaute, une fois l’accès à Internet payé et obtenu, de ne pas se voir dicter ce que l’on peut ou ne pas faire avec. Aucune entreprise (fournisseurs d’accès Internet ou moteurs de recherche) n’a le droit de favoriser, prioriser ou filtrer un site, un mail plutôt qu’un autre en fonction de la notoriété d’un destinataire, par exemple. C’est l’interdiction de réglementer de manière discrétionnaire, arbitraire et aléatoire l’usage de la bande passante fournie (sauf lorsque la sécurité du Réseau ou de ses utilisateurs est menacée, ou pour régler des problèmes techniques temporaires). Internet doit rester ainsi, neutre et indépendant, vis-à-vis des destinataires et des émetteurs et du type d’informations transmises. "Il est incompréhensible qu’à l’occasion de discussions sur un projet aussi complexe et capital, les institutions de l’Union européenne n’édictent pas un principe aussi simple que la neutralité du Net. Cette incohérence est d’autant plus criante qu’aux Etats-Unis ou au Canada, ce principe d’égalité est en passe d’être inscrit clairement dans le corpus juridique. Le problème aurait pu être réglé dès aujourd’hui, évitant d’avoir à y revenir à l’avenir après que les dégats auraient été déjà causés. Enfin, si la neutralité du Net n’est pas garantie, certaines entreprises se relocaliseront aux Etats-Unis pour ne pas subir les discriminations qui risquent de s’exercer en Europe", a rajouté l’organisation. Alors que l’Union européenne permet aux opérateurs de remettre en question ce principe d'égalité, l’Amérique du Nord, à l’opposé, s’emploie à promouvoir la neutralité du Net avec deux projets de loi. La Maison Blanche a plaidé, le 21 septembre, pour un "Internet libre et ouvert" et a édicté le projet de loi "Internet Freedom Preservation Act" de 2009. Le Canada a fait de même, avec le Private Bill C-552 garantissant la neutralité du Net pour amender le "Telecommunications Act" de 1993. Les entreprises Google, Yahoo ! et Amazon prônent également la neutralité du Net, au contraire des entreprises de téléphonie mobile telles que AT&T (l’opérateur vient de permettre la téléphonie par Internet mais uniquement sur son réseau mobile de 3e génération), Verizon ou Comcast, qui empêchent l’accès au Peer to Peer, à Skype, et même à certains newsgroups. Ces services Internet menaceraient en effet la rentabilité à court ou moyen terme des opérateurs de téléphonie mobile. Ce principe de non-discrimination est garanti par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il relève du principe de la liberté d’expression selon lequel chacun a le droit de s’exprimer par tous moyens et dans les mêmes conditions qu’un autre. Cela s’applique donc nécessairement à Internet comme mode de communication, sous le nom de neutralité du Net. C’est à cet ensemble de principes fondamentaux que la décision de l’Union européenne permet aux opérateurs de contrevenir. "Ce n’est pas parce qu’Internet est un mode révolutionnaire de communication que le droit de la liberté d’expression doit s’y appliquer différemment. Les démocraties occidentales ne peuvent contrevenir à ce droit fondamental", a conclu Reporters sans frontières. Voir et signer la lettre ouverte au Parlement Européen pour la neutralité du Net : http://www.laquadrature.net/en/we-must-protect-net-neutrality-in-europe-open-letter-to-the-european-parliament Pour plus de renseignements et de détails sur le sujet, voir le dossier de la Quadrature du Net : http://laquadrature.net/files/LaQuadratureduNet-DOSSIER_Protecting_Net_Neutrality_in_the_Telecoms_Package.pdf Voir l’interview de Jérémie Zimmermann, cofondateur du collectif de citoyens La Quadrature du Net :
Publié le
Updated on 20.01.2016