Loi sur le secret des sources enterrée ? Déjà un an que Reporters sans frontières a été auditionnée

Malgré la promesse du président de la République, François Hollande, de réformer en profondeur la protection du secret des sources des journalistes, le projet de loi initié par la garde des Sceaux Christiane Taubira en 2012 semble avoir été définitivement enterré. Pourtant, l’actualité ne cesse de démontrer l’urgence d’adopter un nouveau dispositif législatif.

Il y a un peu plus d’un an, le 25 juillet 2013, Reporters sans frontières était auditionnée sur le projet de loi visant à renforcer la protection des sources des journalistes, par Michel Pouzol, rapporteur pour la commission des Affaires culturelles. Un mois plus tard, notre organisation remettait ses recommandations à Marie-Anne Chapdelaine, rapporteur du projet pour la commission des Lois. Entre l’avant-projet de loi, très prometteur, et la dernière version retravaillée par les parlementaires en décembre, des dispositions importantes avaient été supprimées. Mais rien n’indiquait alors que le projet de loi, promesse de campagne de François Hollande, finirait aux oubliettes. La loi du 4 janvier 2010 sur la protection du secret des sources avait rapidement montré ses limites, notamment dans l’affaire Bettencourt, où il avait été facile pour les magistrats de lever le secret des sources de journalistes du Monde. Au regard de l’inefficacité du dispositif, le nouveau projet de loi, loin d’être parfait, apportait une amélioration, en introduisant, par exemple, le contrôle systématique du juge de la liberté et de la détention pour toute levée des sources. Dans ses recommandations, Reporters sans frontières avait exposé aux rapporteurs du projet de loi six axes d’amélioration, parmi lesquels la restriction des exceptions permettant de lever le secret des sources, la nécessaire création d’un délit de violation du secret des sources ou encore l’exonération du délit de recel pour les journalistes collectant des documents dans le cadre d’une activité d’information. Une inquiétude grandissante pour le secret des sources Initialement, le projet de loi adopté en Conseil des ministres le 12 juin 2013 devait être débattu devant la représentation nationale le 16 janvier. Peu de temps avant cette échéance, le président de la commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas, avait repoussé le projet sine die, invoquant une surcharge de l’agenda des députés. Annoncé pour mai, puis pour septembre, le débat à l’Assemblée nationale ne sera en réalité jamais programmé. Aujourd’hui, Reporters sans frontières est extrêmement inquiète pour l’avenir de la protection des sources en France. “Nous avons écrit à Marie-Anne Chapdelaine, rapporteur du projet de loi sur le secret des sources, pour obtenir des explications sur la disparition pure et simple de son travail de l’agenda parlementaire, explique Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. Les motivations à l’origine de ce retrait restent mystérieuses. Mais une chose est certaine : ni le législateur ni le gouvernement ne comprennent l’urgence de la situation. Alors que le dispositif de surveillance des communications est renforcée et que des actions sont en cours pour recel de violation du secret de l'instruction, il est plus que temps que nos députés se remettent au travail pour garantir aux journalistes une réelle protection de leurs sources.” En janvier, le Conseil supérieur de la magistrature ne demandait aucune sanction à l’encontre de Philippe Courroye, l’ex-procureur de Nanterre qui avait levé le secret des sources pour accéder aux fadettes de journalistes du Monde. Quelques mois plus tard, le vendredi 18 juillet, le procureur de Paris ouvrait une instruction judiciaire pour “violation du secret de l’instruction et du secret professionnel” et “recel”. Cette instruction faisait suite à la plainte contre X déposée par le bâtonnier Pierre-Olivier Sur en réaction “aux articles publiés dans le quotidien Le Monde et sur le blog de Médiapart” qui traitaient de la mise en examen de Nicolas Sarkozy pour “trafic d'influence, corruption active et recel de violation du secret de l'instruction”. Autant d’affaires qui suscitent une inquiétude légitime de la profession journalistique. CFDT - Journalistes lance pour les cent ans de la mort de Jean Jaurès “l’appel du centenaire”. Cette initiative, qui a le soutien de Reporters sans frontières, vise à mobiliser les journalistes pour rappeler à François Hollande ses promesses de campagne, parmi lesquelles la nouvelle loi sur la protection du secret des sources.
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Updated on 20.01.2016