Reporters sans frontières saisit l'occasion de la visite du Président de la commission européenne au Turkménistan pour attirer son attention sur la situation de la liberté de presse dans l'une des dictatures les plus brutales de la planète, et en particulier sur les conditions de détentions inhumaines des deux journalistes Annakourban Amanklytchev et Sapardourdy Khadjiev, emprisonnés depuis 2006.
José Manuel Barroso - Président de la commission européenne
Paris, le 14 janvier 2011
Monsieur le Président,
A l’occasion de votre déplacement dans ce pays, Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de la presse, souhaite attirer votre attention sur la situation de la liberté de la presse au Turkménistan, et plus particulièrement, sur celle de deux journalistes et militants des droits de l’homme : Annakourban Amanklytchev et Sapardourdy Khadjiev. Tous deux ont été arrêtés en juin 2006, en compagnie d’Ogoulsapar Mouradova, pour avoir prêté leur concours à la réalisation d’un documentaire sur le Turkménistan, pour l’émission « Envoyé spécial », de la chaîne publique française, France 2. Ils collectaient également des informations sur la situation des droits humains, pour l’organisation Tukmenistan Helsinki Foundation. Mme Mouradova est décédée en détention, en septembre 2006, à la suite de mauvais traitements.
Messieurs Amanklytchev et Khadjiev ont été condamnés à 7 ans de prison en août 2006. Après être longtemps restée sans nouvelles d’eux notre organisation a appris qu’ils étaient détenus dans la prison de Turkmenbachi (Ouest), à la sinistre réputation, en raison des conditions de détention inhumaines qui y règnent.
Monsieur le Président, le Turkménistan est l’une des dictatures les plus absolues et brutales de la planète. Sa population est appauvrie et coupée du monde, soumise à un régime policier qui ne fait montre d’aucun respect pour la vie et la dignité humaine. Ceux qui, comme les deux journalistes et militants des droits de l’homme, sont considérés comme des ennemis du régime sont victimes des pires violences. Ce pays émarge régulièrement parmi le « trio infernal » du classement annuel de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (en 2010, Asghabat est à la 176e place sur 178 pays).
En novembre 2010, le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, a exhorté les autorités turkmènes à relaxer Annakourban Amanklytchev et Sapardourdy Khadjiev. Leur situation a également été évoquée cet automne, à Varsovie, dans l’enceinte de l’Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe (OSCE).
L’Union européenne a initié une stratégie de développement des relations avec les pays d’Asie centrale, incluant le Turkménistan. Nous en comprenons la logique. Toutefois, nous voulons croire, que l’Europe n’abandonne pas ceux qui se battent, au péril de leur vie et de celle de leurs proches, pour le respect des libertés les plus fondamentales. C’est pourquoi, nous vous prions instamment, Monsieur le Président, de bien vouloir évoquer la situation de Messieurs Amanklytchev et Khadjiev, avec les représentants turkmènes, et de vous faire l’écho des demandes de libération portées par de nombreuses organisations représentantes de la société civile, ou internationales comme Reporters sans frontières. Nous vous remercions par avance de ne pas sacrifier la liberté d’expression aux intérêts stratégiques en jeu.
Dans l'attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération,
Jean-François Julliard
Secrétaire général