A un an et demi des Jeux, les organisateurs et la municipalité de Pékin multiplient les promesses envers la presse étrangère, mais rien n'est mis en œuvre. Reporters sans frontières rappelle les dix points auxquels le gouvernement chinois doit se conformer pour que les Jeux soient respectueux de la liberté d'expression.
Sous la pression internationale, les organisateurs des Jeux olympiques de Pékin ont promis à la presse étrangère des avantages et certaines garanties quant à ses conditions de travail. Ainsi, le 15 novembre 2006, Wang Wei a déclaré à Hong Kong que les journalistes accrédités pourront travailler librement hors de Pékin. Le directeur adjoint du comité d'organisation (BOCOG) a répondu ainsi à la question d'un reporter : "Ils pourront (enquêter hors de Pékin). Cela ne sera pas un problème, tant que les personnes sont d'accord pour être interviewées." Mais aucune régulation n'a pour l'instant été modifiée.
"Nous demandons à Liu Qi, chef du BOCOG, de ne pas décevoir les attentes de la communauté internationale en matière de liberté de la presse. Après avoir tant promis, il est de son devoir de réformer en profondeur les lois qui concernent les médias", a déclaré Reporters sans frontières.
"Malgré les annonces séduisantes, rien ne s'est traduit dans les faits et les autorités confondent facilités matérielles et liberté de la presse. Nous n'accepterons pas que les nombreuses restrictions au travail des journalistes étrangers et à la libre circulation de l'information soient levées quelques jours seulement avant les Jeux de 2008. Il faut une réforme de fond et des changements dans la manière dont l'Etat et le Parti considèrent l'information et le travail des journalistes. Par ailleurs, nous craignons qu'avant, pendant et après les Jeux olympiques, la presse libérale et les dissidents chinois soient harcelés par les autorités", a affirmé l'organisation.
Les nombreuses critiques internationales ont contraint les organisateurs, notamment Liu Qi, également secrétaire du comité du Parti communiste pour la ville de Pékin, de promettre des mesures favorables aux journalistes étrangers. Liu Qi a ainsi déclaré, en août dernier, qu'il allait préparer en 2007 une réglementation permettant une libre couverture des Jeux de 2008. Mais le chef du BOCOG n'a pas précisé si le Guide des correspondants étrangers serait supprimé dans sa forme actuelle. En tout cas, les organisateurs promettent que les journalistes accrédités n'auront pas besoin de visas. Ils bénéficieront d'exonérations de taxes pour leurs équipements, de centres de presse modernes et de permis de conduire temporaires pendant les Jeux olympiques. Wang Wei avait par ailleurs promis, en août, que les épreuves seraient transmises en direct à la télévision, sans le léger décalage en vigueur en Chine.
Depuis les déclarations de Liu Qi, deux reporters travaillant pour des médias étrangers, Zhao Yan du New York Times, et Ching Cheong du quotidien singapourien Straits Times, ont été condamnés à des peines de prison pour avoir enquêté sur des sujets sensibles. Et un reporter d'un quotidien de Hong Kong a été agressé par des agents de sécurité dans le Parlement, à Pékin.
De son côté, Jiang Xiaoyu, vice-président du BOCOG, a déclaré que les autorités de Pékin étaient prêtes à réformer les régulations sur la presse étrangère afin de garantir le bon déroulement des Jeux. "S'il y a des différences entre nos normes et les normes internationales et olympiques, ce seront ces dernières qui l'emporteront dans le service qui sera offert. Bien entendu, tous les médias devront obéir aux lois et règlements chinois", a-t-il déclaré.
De son côté, le Comité international olympique se limite à vouloir garantir un libre accès aux journalistes accrédités par leurs soins. Son président Jacques Rogge avait timidement évoqué, en avril dernier, la situation des droits de l'homme en Chine.
Les violations des droits des journalistes étrangers et chinois sont encore extrêmement fréquentes en Chine populaire. Selon une enquête du Foreign Correspondents Club of China, au moins 72 incidents sont intervenus à l'encontre des reporters internationaux depuis que la Chine a récupéré la flamme olympique en 2004.
Reporters sans frontières réitère son appel au BOCOG à garantir dix points cruciaux pour que les Jeux de 2008 se déroulent dans un environnement respectueux de la liberté d'expression :
1. Libération des journalistes, notamment Zhao Yan et Ching Cheong, et des internautes emprisonnés en Chine pour avoir exercé leur droit à l'information.
2. Abolition des articles restrictifs, notamment 14 et 15, du Guide des correspondants étrangers qui limitent la liberté de mouvement des journalistes étrangers.
3. Retrait des mesures de censure dans le projet de loi sur la gestion des situations de crise.
4. Dissolution du Département de la publicité (ex-Département de la propagande) qui contrôle quotidiennement le contenu de la presse chinoise.
5. Fin du brouillage des radios internationales.
6. Fin du blocage de milliers de sites Internet d'informations hébergés à l'étranger.
7. Suspension des "11 commandements du Net" qui instituent la censure et encouragent l'autocensure des informations.
8. Abolition des listes de journalistes et militants des droits de l'homme interdits de séjour en Chine.
9. Retrait de la restriction imposée aux médias chinois de ne pas utiliser sans autorisation les images et les informations des agences internationales.
10. Légalisation des associations indépendantes de journalistes et de militants des droits de l'homme.