"Les journalistes ne sont pas des auxiliaires de justice"

Reporters sans frontières s'inquiète des interpellations arbitraires de deux journalistes, Serge Razanaparany, cameraman de la radio et télévision d'Etat (RNM et TVM), et Jeanette Ravonimbola, de la radio privée Tsiko Meva Ylang, convoqués pour interrogatoire respectivement les 6 et 8 octobre 2013 par la gendarmerie à Nosy-be. Ces interpellations s'inscrivent dans une vague d'arrestations qui a suivi le lynchage de trois hommes accusés d'être responsable de la mort d'un jeune garçon retrouvé le 2 octobre dernier sur une plage de Nosy-be. Arrêté à son domicile, Serge Razanaparany a été conduit dans les locaux de la station audiovisuelle où il lui a été demandé de récupérer son matériel d'enregistrement. Il a ensuite été emmené à la gendarmerie puis interrogé. Le contenu de son matériel a été examiné. La gendarmerie n'a produit aucun mandat d'amener ni de perquisition. "Nous condamnons fermement l'arrestation non-motivée de ces deux journalistes. La fouille du matériel audio-visuel constitue une atteinte très préoccupante au principe de protection du secret des sources journalistiques, et cela hors de tout contrôle juridictionnel" a déclaré Reporters sans frontières. "Les journalistes ne sont pas des auxiliaires de justice et le comportement des autorités malgaches qui cherchent à utiliser des sources journalistiques dans le cadre d'une enquête criminelle visant à la répression porte ici atteinte à la liberté d'information." Les gendarmes malgaches ont mis en avant le fait qu'ils avaient pour ordre d'arrêter les personnes présentes lors du lynchage collectif ainsi que ceux disposant d'images de l'évènement. Les journalistes Serge Razanaparany et Jeanette Ravonimbola, témoins du lynchage, ont été automatiquement soupçonnés d'être en possession de ce que les gendarmes ont qualifié "d'éléments de preuves". Si la loi malgache ne garantit pas expressément le secret des sources journalistiques, l'enquête en cours viole néanmoins les engagements internationaux de Madagascar dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Les journalistes doivent bénéficier de garanties, au premier rang desquelles le droit à la confidentialité de leurs sources. Le Comité des droits de l’homme, organe indépendant chargé de contrôler la mise en œuvre du PIDCP par les Etats parties, a rappelé dans sa dernière déclaration générale sur la liberté d’expression que les Etats doivent “reconnaître et respecter l’élément du droit à la liberté d’expression qui recouvre le privilège limité qu’à tout journaliste de ne pas révéler ses sources d’informations” (paragraphe 45, observation générale n°34, CCPR/c/gc/34). Madagascar occupe la 88ème place sur 179 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse 2013, établi par Reporters sans frontières. Photo : RIJASOLO/AFP
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Updated on 20.01.2016