Les journalistes et leurs proches ciblés par les ennemis de la liberté de la presse

Dans le cadre de l'examen périodique universel sur le Pakistan qui doit se tenir le 30 octobre 2012, au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, Reporters sans frontières, qui bénéficie d’un statut consultatif auprès de l’ONU, s'inquiète de l'amplification de l'insécurité qui pèse sur les journalistes dans de nombreuses régions du pays. Reporters sans frontières rappelle les recommandations adressées au gouvernement pakistanais, qu'elle avait déjà transmises au Conseil des droits de l'Homme en avril dernier. "Six mois seulement après l'envoi de nos recommandations, la situation d’insécurité des professionnels des médias dans le pays est encore plus alarmante. Le nombre de journalistes tués ne cesse de croitre et la majorité des enquêtes qui ont été ouvertes à la suite de ces assassinats n'ont pas abouties, alimentant un climat d’impunité intolérable. Nous appelons le Conseil des droits de l’Homme à mettre en demeure les autorités pakistanaises de sécuriser le travail des professionnels des médias, quotidiennement menacés par des groupes armés ”, a déclaré l'organisation. Le Pakistan demeure un pays extrêmement dangereux pour les professionnels des médias. Huit journalistes y ont été assassinés depuis janvier 2012 : Abdul Haq Baluch, Abdul Qadir Hajizai, Abdul Razaq Gul, Tariq Kamal, Aurengzeb Tunio, Murtaza Razvi, Syed Saleem Shahzad, Mukarram Khan Atif. A ces attaques s’ajoute la multiplication des cas de menaces envers les professionnels des médias. Les auteurs de ces menaces appartiennent généralement aux groupes armés taliban et séparatistes baloutches, ou sont liées aux agences de renseignement pakistanaises. Trois des huit journalistes tués au cours de l’année 2012 se trouvaient dans la région du Baloutchistan, en tête des régions les plus meurtrières. Les journalistes sont pris entre les feux croisés des forces de sécurité et des groupes indépendantistes locaux. Après avoir été publiquement menacé par le Front de Libération Baloutche, le 21 juillet dernier, Ayub Tareen, correspondant pour le service en ourdou de la BBC à Quetta, a été contraint de trouver refuge hors de la ville, dans un lieu tenu secret. Récemment, les taliban ont confirmé leur statut de prédateurs de la liberté de l’information, en tentant d’assassiner Malala Yousafzai, une jeune blogueuse de 14 ans, pour des contenus qu’ils jugeaient contraire à leur interprétation de l’Islam. Par ailleurs, l'enquête sur l'assassinat du journaliste d’investigation d’Asia Times, Syed Saleem Shahzad, dont le corps sans vie avait été retrouvé dans sa voiture, le 31 mai 2011, n'a pas permis à la justice de juger les auteurs du meurtre, alors même que les témoignages de journalistes pakistanais et de plusieurs organisations non gouvernementales, avaient rapidement permis d'établir l'implication des services de renseignements de l'Inter-Service Intelligence (ISI). Recommandations de Reporters sans frontières : A la vue des informations susmentionnées, Reporters sans frontières rappelle ses recommandations: • La mort et la violence auxquelles font face les professionnels des médias a atteint des niveaux inacceptables et les autorités doivent de toute urgence garantir une protection efficace de tous les journalistes, notamment en offrant une sécurité aux journalistes, dès qu'elles prennent connaissance des menaces à leur encontre. • - Les recommandations que le Pakistan s'était engagé à mettre en œuvre en 2008 doivent être réitérées et instaurées dans les plus brefs délais. • - Toute tentative pour limiter la liberté d'expression sur l'Internet doit être abandonnée. • - A la lumière de l'observation générale N°34 du Comité des droits de l'Homme sur l'"article 19: libertés d'opinion et d'expression", le Pakistan devrait envisager d'appliquer les recommandations concernant la diffamation et le blasphème, présentes dans cette observation. • - Enfin, en tant que première étape pour lutter contre la violence et l'impunité touchant les médias, les autorités devraient affirmer leur engagement à poursuivre les enquêtes, toujours ouvertes, sur les crimes contre les journalistes, afin de traduire en justice leurs auteurs et éventuels commanditaires. En 2011, pour la deuxième année consécutive, le Pakistan se distinguait en tant que pays le plus meurtrier au monde pour les journalistes. Il se situe à la 151ème place sur 179 pays, au classement de la liberté de la presse 2011-2012 établi par Reporters sans frontières.
Publié le
Updated on 20.01.2016