Les dirigeants européens doivent conditionner leurs relations avec l'Azerbaïdjan au respect de la liberté de la presse
Alors qu’une nouvelle vague de répression s’abat sur les derniers journalistes indépendants d’Azerbaïdjan, le président Ilham Aliev poursuit son offensive de charme en Europe avec une visite à Paris ces 19 et 20 juillet 2018. Reporters sans frontières (RSF) exhorte les dirigeants européens à conditionner leurs relations avec Bakou au respect de la liberté de la presse.
Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev déjeunera avec son homologue français, Emmanuel Macron, le 20 juillet à Paris. Il était à Bruxelles une semaine plus tôt pour acter les priorités du partenariat renouvelé entre l’Union européenne et l’Azerbaïdjan. Un accord qui ne comporte aucune condition explicite en matière de respect des droits humains, contrairement à ce qu’avait exigé le Parlement européen dans une résolution du 4 juillet. Une nouvelle vague de répression s’abat pourtant sur les derniers journalistes indépendants d’Azerbaïdjan, 163e sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.
“Alors que le président Aliev poursuit son offensive de charme en Europe, il n’a jamais autant bafoué la liberté de la presse dans son pays, déplore Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Il est grand temps que les dirigeants européens conditionnent le développement de leurs relations avec l’Azerbaïdjan au respect de ses engagements internationaux en matière de droits fondamentaux. La libération immédiate des journalistes injustement emprisonnés et la fin du harcèlement des médias indépendants doivent figurer en bonne place parmi ces conditions.”
A peine libéré, de nouveau emprisonné
Non content de son contrôle absolu sur le paysage médiatique, le régime de Bakou continue de harceler les derniers journalistes indépendants. Récemment sorti de prison après un an et demi de détention pour une affaire montée de toutes pièces, le fondateur et rédacteur en chef du site d’information Azel.tv, Afgan Sadygov, aura passé moins de deux mois en liberté. Alors qu’il avait annoncé reprendre ses activités professionnelles et se montrait très actif sur les réseaux sociaux, il a de nouveau été arrêté le 6 juillet à Jalilabad, dans le sud de l’Azerbaïdjan.
Ce n’est qu’après cinq jours de recherche que ses proches ont finalement appris que le journaliste avait été condamné à trente jours de détention pour “obscénités en public” et “résistance à la police”. L’accusation, qui a refusé de consulter les enregistrements de vidéosurveillance, reproche au journaliste des faits qui se seraient produits le 7 juillet, soit le lendemain de son arrestation.
Les dernières voix critiques muselées
Un nouveau tour de vis contre les dernières voix critiques du pays a été déclenché par les tragiques événements de Ganja, dans l’ouest du pays : la tentative d’assassinat du maire de cette localité, le 3 juillet, a entraîné des émeutes qui ont coûté la vie à deux policiers le 10 juillet. Quatre sites d’information ont aussitôt été bloqués à la demande du Parquet général, sans recours à la justice.
Parmi eux figure Bastainfo.com, proche du parti d’opposition Mousavat et connu pour sa couverture des violations des droits humains, des fraudes électorales et des affaires de corruption. Convoqué au Parquet général le 9 juillet pour être entendu comme témoin dans une enquête pénale, son rédacteur en chef Moustafa Hadjibeïli a été interrogé pendant cinq jours consécutifs. Plusieurs autres employés du média ont eux aussi été convoqués pour interrogatoire le 14 juillet.
L’accès aux principaux sites d’information indépendants est déjà bloqué en Azerbaïdjan depuis mars 2017. Les principaux médias critiques ont tous été asphyxiés financièrement ou fermés manu militari ces dernières années, les activités des ONG de soutien aux médias ont été criminalisées. Pas moins de onze journalistes et deux blogueurs sont actuellement emprisonnés du fait de leurs activités d’information. Non content d’avoir annihilé tout pluralisme médiatique dans le pays, le “prédateur de la liberté de la presse” Ilham Aliev n’hésite plus à exporter sa répression à l’étranger.