Les deux journalistes érythréens capturés en Somalie apparaissent dans une vidéo diffusée sur un site progouvernemental
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Des images de Tesfalidet Kidane Tesfazghi, cameraman de la chaîne de télévision publique érythréenne Eri-TV, et du journaliste Saleh Idris Gama, ont été diffusées le 13 avril 2007 dans une vidéo diffusée sur un site progouvernemental éthiopien.
"Nous sommes certains de l'identité de nos deux confrères et de leur qualité de professionnels des médias, envoyés en Somalie pour la chaîne de télévision qui les emploie. Que des étrangers, notamment des Erythréens, aient combattu aux côtés de l'Union des tribunaux islamiques et soient aujourd'hui prisonniers de guerre est une chose. Mais Tesfalidet Kidane et Saleh Idris Gama ne sont pas des combattants et ne doivent pas servir d'instruments dans les règlements de comptes entre l'Ethiopie et l'Erythrée", a déclaré l'organisation.
Un documentaire en trois parties, dénonçant l'implication directe de l'Erythrée dans les combats de décembre 2006 en Somalie, aux côtés de l'Union des tribunaux islamiques (UTI), a été posté sur le site progouvernemental éthiopien Waltainfo.com. Le film, légendé par un copyright de la chaîne de télévision publique éthiopienne ETV, dénonce la présence en Somalie de "combattants étrangers", capturés pendant les combats par les armées éthiopienne et somalienne. Le commentaire s'en prend particulièrement au président érythréen, Issaias Afeworki, en s'appuyant sur les interviews de ressortissants de son pays, dont les deux journalistes. Leur passeport érythréen est filmé. Leur récit, recueilli en tigrinya, est traduit simultanément en amharique.
Vêtu d'une veste de survêtement bleu, Tesfalidet Kidane qui, selon l'un de ses amis vivant en exil, "semble fatigué", raconte qu'au mois de décembre 2006, il a été convoqué à l'aéroport d'Asmara pour se rendre dans un lieu indéterminé. Il raconte qu'il ne s'est rendu compte de sa destination qu'à l'atterrissage à Mogadiscio. Dans un passage non traduit en amharique par les auteurs du film, Tesfalidet Kidane évoque le fait qu'à son arrivée en Somalie, il avait "posé (sa) caméra sur le sol", accompagnant son récit d'un geste des mains imitant la pose d'un objet. Son interview, tournée pendant sa détention en Ethiopie, est pourtant légendée par l'inscription : "Tesfalidet Kidane Tesfazghi, capturé pendant la guerre, soldat 'shabia'" (littéralement "populaire", surnom du régime érythréen). "Tesfalidet Kidane est un cameraman titulaire d'Eri-TV et a déjà été plusieurs fois arbitrairement incarcéré, en 2005 et 2006, par le gouvernement érythréen", a déclaré son ami à Reporters sans frontières.
"Ce n'est pas une surprise que les journalistes n'aient pas été prévenus de leur destination finale. C'est une pratique ordinaire au sein des médias publics, lorsque le ministère de l'Information souhaite conserver le secret", témoigne un ancien journaliste d'Eri-TV en exil, consulté par Reporters sans frontières. "Cela m'est arrivé plusieurs fois d'être convoqué quelque part dans le pays, sans savoir pourquoi." Le même journaliste ajoute que la chaîne de télévision, qui n'a pas les moyens de diffuser en direct depuis l'étranger, "a probablement décidé d'envoyer une équipe en Somalie en anticipant une victoire de l'UTI sur le gouvernement fédéral de transition".
Saleh Idris Gama, présentateur d'une émission d'information sur la jeunesse "patriotique" sur Eri-TV, est présenté comme un "lieutenant et administrateur de brigade, capturé durant la guerre en Somalie". Des images de ses émissions passées, où le présentateur porte l'uniforme érythréen, sont reproduites dans le film. Son récit est sensiblement le même que celui de son confrère, Tesfalidet Kidane. Lors de son interview pendant sa détention en Ethiopie, Saleh Idris Gama est vêtu d'une chemise claire et semble en bonne santé.
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Updated on
20.01.2016