Le Prix Sakharov Guillermo Fariñas interpellé à deux reprises en vingt-quatre heures ; pas d’assouplissement de la censure
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Guillermo “El Coco” Fariñas Hernández, cyberjournaliste dissident cubain et lauréat du prix Sakharov 2010, attribué par le Parlement Européen, a été interpellé, le 27 janvier 2011, pour la deuxième fois en 24 heures. Si sa libération prochaine paraît probable, nous rappelons que son seul tort est de militer pour la liberté d’informer et de circuler librement. Un droit toujours dénié au peuple cubain.
Guillermo Fariñas avait été arrêté par la police une première fois le 26 janvier, alors qu’il participait à une manifestation pacifique en solidarité avec une famille en butte à une expulsion locative, dans la province de Santa Clara (est de la Havane). Seize dissidents avaient été interpellés à cette occasion, sous l’accusation de “scandale public”. Guillermo Fariñas avait été retenu pendant neuf heures avant d’être relâché dans la matinée du 27 février.
La blogueuse Yoani Sánchez, avait averti sur son compte Twitter des conséquences qu’une nuit de détention pourrait avoir sur la délicate santé de Guillermo Fariñas. La blogueuse a également indiqué que les personnes interpellées - dont elle faisait partie -, ont été remises en liberté sans charges, mais menacées de représailles à la prochaine manifestation de “désobéissance civile” ou de “comportement antisocial”.
A peine relâché, Guillermo Fariñas a été à nouveau arrêté alors qu’il se rendait, avec une dizaine de personnes au commissariat de Santa Clara pour s’enquérir de la situation d’un autre dissident arrêté quelques heures plus tôt. “Je pensais qu’il serait libéré assez vite comme la veille, mais j’ai bon espoir. Ils n’ont aucun intérêt à prolonger la détention. Je m’inquiète tout de même pour sa santé, toujours fragile”, nous a confié la mère de Guillermo Fariñas, Alicia Hernández, dans la matinée du 28 janvier.
Agé de 49 ans, le cyberdissident avait mené une grève de la faim de plus de quatre mois en 2010 pour exiger la libération des prisonniers politiques malades. Cette action avait attiré les regards de la communauté internationale sur le gouvernement de Raúl Castro, qui s’était finalement engagé lors d’une médiation avec l’Église catholique et le gouvernement espagnol à libérer 52 dissidents. Des 41 prisonniers libérés à ce jour, un seul a pu rester à Cuba, les 40 autres étant contraints de s’exiler en Espagne. Onze prisonniers refusent de quitter l’île et demeurent donc derrière les barreaux. Parmi eux, trois journalistes du “Printemps noir” de mars 2003 : Pedro Argüelles Morán, Héctor Maseda Gutiérrez et Iván Hernández Carrillo. Nous rappelons que le gouvernement cubain s’était engagé à libérer tous les prisonniers avant Noël 2010. Offrir à des opposants l’alternative entre la prison et l’exil forcé constitue une violation des droits de l’homme et du droit international. Aucun gouvernement ne peut rendre ses citoyens apatrides, encore moins sous ce type de contraintes.
L’évolution espérée de la part du régime de La Havane n’a toujours pas eu lieu en matière de libertés publiques fondamentales. De plus en plus inquiètes de la capacité de mobilisation de la société civile, les autorités ont menacé, ce 27 janvier, de peines de prison et de lourdes amendes les pourvoyeurs d’antennes et récepteurs illégaux de télévision par satellite. Il s’agit de contenir des “messages de déstabilisation et d’ingérence”, selon le vocabulaire en usage dans la propagande. L’abonnement légal au satellite et au câble à Cuba est réservé aux entreprises publiques et touristiques, ou à des résidents étrangers pour un coût de 1 600 pesos convertibles (soit 1 600 dollars) par an, rappelle l’AFP. Ce dispositif, inaccessible financièrement au peuple cubain, relève de la discrimination.
Comment un régime qui impose la censure chez lui se permet-il de la fustiger ailleurs, quand lui-même se met en infraction ? Le site de propagande officielle Cubadebate s’est récemment lamenté d’une “censure” que lui aurait infligé YouTube (propriété de Google) en fermant son compte pour une présumée “violation de droits d’auteur”. L’affaire est pourtant amplement relayée sur YouTube, ainsi que sur Facebook où le site s’est également plaint de “censure”.
“Le règlement de YouTube autorise en effet à suspendre un compte après plusieurs diffusions de vidéos sans mention des droits d’auteurs. Cubadebate l’a fait à quatre reprises. Il ne s’agit donc aucunement de censure. Mais bien d’une violation de droits d’auteurs qui appelait une mise en demeure”, nous a répondu un cadre de Google.
Le régime cubain doit consacrer ses engagements internationaux, notamment auprès de l’ONU, sur les droits civils et politiques. Reporters sans frontières maintient à cet égard sa position : en faveur de la levée de l’embargo injuste imposé à l’île depuis 1962 par les États-Unis, mais également en faveur du maintien de la position commune de l’Union européenne qui subordonne la normalisation des relations diplomatiques au respect des droits de l’homme.
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Updated on
20.01.2016