Le principal moteur de recherche russe expurgé des contenus interdits
Le principal moteur de recherche russophone, Yandex, a commencé à déréférencer les sites interdits en Russie. L’application d’une loi liberticide qui renforce encore la censure dans ce pays.
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Bloquer les contenus interdits ne suffisait pas, il fallait encore les rendre invisibles. Le principal moteur de recherche russe, Yandex, a commencé à déréférencer les sites placés sur liste noire par les autorités. Le site d’information indépendant Grani.ru a ainsi constaté que ses contenus avaient disparu des résultats de recherche sur Yandex Actualité depuis le 27 octobre pour les utilisateurs russes. Bloqué en Russie depuis 2014, Grani.ru n’y est accessible qu’à travers son site miroir.
Yandex n’a pour l’instant donné aucune explication, mais il semble que le géant de l’Internet russe se conforme à une loi entrée en vigueur un mois plus tôt, qui oblige les moteurs de recherche à déréférencer les sites bloqués en Russie, sous peine d’amende. Une disposition votée au cours de l’été 2017 dans le cadre d’un train de lois qualifié de “dernier clou dans le cercueil de l’Internet libre” par RSF.
“La censure prend un tour encore plus orwellien en Russie, dénonce Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de Reporters sans frontières (RSF). Le déréférencement des sites interdits amplifie la portée de blocages toujours plus nombreux et arbitraires. Les autorités russes doivent cesser de piétiner le droit des citoyens à l’information, garanti par la Constitution et la Cour européenne des droits de l’Homme.”
Cette évolution intervient alors que Yandex est sous forte pression : des rumeurs de rachat d’une partie de son capital par une banque d’État ont récemment fait plonger sa valeur boursière. Le géant de l’Internet, dont le propriétaire russe est enregistré comme une société hollandaise, est également menacé par une proposition de loi visant à limiter drastiquement – à hauteur de 20 % – les investissements étrangers dans les agrégateurs d’informations. Agrégateurs déjà largement contrôlés par les autorités.
Après Yandex, Google est désormais sur la sellette : le 25 octobre, l’autorité russe de contrôle des télécommunications (Roskomnadzor) a menacé la compagnie américaine d’amende si elle ne faisait pas immédiatement disparaître les sites interdits de ses résultats de recherche. Un contentieux de plus dans le bras de fer qui oppose le géant du Net aux autorités russes.
Le Kremlin n’a eu de cesse de renforcer son emprise sur Internet depuis 2012. Les critères permettant le blocage d’un site sans décision de justice s’élargissent constamment, ce dont Grani.ru mais aussi EJ.ru ou encore OpenRussia ont fait les frais. Les autorités s’efforcent depuis le printemps de bloquer l’application de messagerie cryptée Telegram, qui comporte aussi des chaînes d’information et qui refusait de coopérer avec les services de renseignement (FSB). De plus en plus d’internautes sont jetés en prison pour leurs propos sur les réseaux sociaux, voire parfois pour un simple “like”.
La Russie occupe la 148e place sur 180 au Classement 2018 de la liberté de la presse, publié par RSF.