Le meurtre de l’environmentaliste Chut Wutty trop vite classé par les autorités
La Cour de Koh Kong a décidé, le 22 octobre 2012, de refermer le dossier d’enquête sur la mort de Chut Wutty, concluant à son assassinat par un officier de police militaire qui a lui aussi été tué lors de l’altercation. Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète de cette décision qui constitue un précédent inquiétant.
“Un officier tué, l’occasion était trop belle! La justice préfère faire porter le chapeau à un officier décédé afin d’étouffer au plus vite l’affaire. L’enquête a été rapidement bouclée et bâclée par les autorités qui ne souhaitaient pas attirer l’attention sur les problèmes environnementaux dont des personnalités puissantes se rendent responsables. La répression sanglante contre les voix qui s’élèvent pour les dénoncer a de beaux jours devant elle! ” a déclaré l’organisation.
“Activiste environnementaliste et occasionnellement fixeur de journalistes, Chut Wutty était l’une de ces voix. Il s’était rapidement fait de nombreux ennemis au sein des entreprises locales et dans le milieu des trafiquants de bois”, a ajouté Reporters sans frontières.
Ce même 22 octobre, le principal suspect dans le meurtre de l’officier militaire a été condamné à deux ans d’emprisonnement, mais la Cour a décidé de sa remise en liberté un an et demi avant la fin de sa condamnation. Il devrait donc être libéré au début du mois de novembre.
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27/04/2012: Un fixeur tué et deux journalistes interrogées par la police
Reporters sans frontières condamne fermement l'opération de la police militaire cambodgienne, le 26 avril 2012 à Koh Kong (sud ouest du pays), qui a menée à l’interrogatoire pendant un après-midi et une nuit de deux journalistes du Cambodia Daily, Phorn Bopha et Olesia Plokhii, et à la mort d’un policier, ainsi que du fixeur des journalistes, l’environnementaliste Chut Wutty.
“Nous présentons nos condoléances à la famille et aux proches de Chut Wutty. Il est inacceptable que l’affaire puisse être classée aussi rapidement. Les autorités cambodgiennes doivent poursuivre leur enquête afin d’éclaircir ces événements qui ont mené à la mort d’un collaborateur des médias. La presse et les organisations de protection de l’environnement ont un droit d’accès à la région qui doit être garanti. Il faut également déterminer les raisons de l’intervention de la police, qui pourrait faire suite à l’appel d’une entreprise privée. Nous nous inquiétons que des membres des forces de l’ordre aient pu être utilisés comme milice privée chargée de se débarrasser d’observateurs ‘gênants’”, a déclaré Reporters sans frontières.
Les deux journalistes du Cambodia Daily, la cambodgienne Phorn Bopha et la canadienne Olesia Plokhii, sont arrivées à un poste de contrôle en fin de matinée, le 26 avril 2012, après avoir visité une zone de forêt protégée à Veal Bei dans la province de Koh Kong. Elles s’y seraient rendues pour effectuer un reportage sur le vin jaune en compagnie de leur guide, le défenseur cambodgien de l'environnement Chut Wutty.
Selon la Ligue Cambodgienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l'Homme (Licadho), Chut Wutty aurait refusé de donner à la police militaire la carte mémoire des appareils photo des journalistes.
Selon In Kong Chit, coordinateur provincial de la Licadho, le policier, In Rattana, aurait ouvert le feu avec son fusil AK-47 contre Chut Wutty, quand ce dernier aurait essayé de démarrer sa voiture pour quitter l’endroit. Chut Wutty serait mort sur le coup. Alors que les détails de la mort de l’activiste et du policier restent flous, l’épouse de Chut Wutty a affirmé dans les journaux que son mari avait été ciblé à cause de son travail.
Les deux journalistes ont été détenues pour interrogation par la police militaire de la province de Koh Kong et relâchées le 28 avril 2012. Phorn Bopha a été légèrement blessée à la lèvre. Les trois appareils photo qu’elles transportaient ont été confisqués par les autorités. Au moins une partie du matériel a par la suite été restitué aux reporters.
Comme le rapporte le Phnom Penh Post, ce n’était pas la première fois que Chut Wutty, président du Groupe pour la protection des ressources naturelles, accompagnait des journalistes dans des zones forestières protégées. En décembre dernier, Chut Wutty avait interpellé à plusieurs reprises par la police, après avoir emmené des journalistes du Phnom Penh Post dans des zones forestières protégées. Il avait également été la cible de menaces suite à ses critiques sur le rôle du gouvernement et des militaires dans plusieurs affaires de déforestation illégale et de réquisition de terres.
Le porte-parole de la police, Kheng Tito, a déclaré que le policier militaire aurait tiré sur Chut Witty avant de se donner la mort et que, dans une telle situation, les investigations ne seront probablement pas poursuivies. Il a également affirmé que la présence des militaires avait été requise, afin d'empêcher que des photos soient prises dans la zone, par la compagnie MDS Import Export, qui est en train d’abattre des arbres en vue de la construction d’un barrage hydrolique par l’entreprise chinoise China National Heavy Machinery. Selon Ou Virak, président du Cambodian Center for Human Rights (CCHR), il serait impossible de faire confiance aux autorités locales pour mener une enquête impartiale alors que des officiers de la police militaire sont accusés d'être impliqués dans l’échange de tirs.
Les journalistes qui se rendent dans des zones naturelles protégées du Cambodge, notamment ceux qui couvrent les déforestations illégales, s’exposent régulièrement à des menaces émanant de compagnies privées. En 2007, Lem Piseth, correspondant de Radio Free Asia, avait dû fuir en Thaïlande après avoir reçu des menaces pour son enquête sur des exploitations forestières dans le centre du pays. En 2010, Reporters sans frontières a publié un rapport sur les exactions contre les journalistes s’intéressant aux dégradations de l’environnement.