Le gouvernement veut une “procédure de droit commun” pour les délits d’insulte et de diffamation aggravés

Le 16 janvier, la ministre de la Justice Christiane Taubira annonçait des mesures pour renforcer la lutte contre le “racisme et l’antisémitisme”. Deux des dispositions envisagées par le gouvernement modifieraient la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Selon le projet annoncé par la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, la diffamation et l’injure, lorsqu’elles présenteront un caractère raciste, antisémite ou homophobe, seront retirées du champ de la loi de 1881. Ces délits pourront alors "être poursuivis selon la procédure de droit commun”, selon les propos rapportés par le JDD. Cela avait déjà été le cas pour l’apologie du terrorisme (Loi n° 2014-1353, art.5). Concrètement, le régime protecteur prévu en matière de presse serait abandonné. Il sera ainsi possible pour le procureur de recourir à la comparution immédiate, lorsqu’il estimera, à tort ou à raison, que des délits de diffamation à caractère racial, homophobe ou antisémite ont été commis. C’est d’autant plus inquiétant que le délai de prescription de ces délits commis par voie de presse sera porté à trois ans, contre trois mois actuellement. “Publier un travail journalistique sur l’origine, la religion, ou la sexualité exposerait à des poursuites selon un régime répressif de droit commun, en fonction de la seule décision d’un magistrat, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. Ces sujets sont suffisamment sensibles et la frontière parfois si ténue entre les contenus légaux et illégaux, qu’il serait très dangereux de faire peser un tel risque sur le débat public. Qui peut dire qu’un magistrat ne fera pas passer en comparution immédiate un journaliste qui aura enquêté sur un phénomène social, sujet à des polémiques parfois abusives. La loi de 1881 donne des garanties suffisantes pour faire condamner ceux qui propagent la haine. Tout ce qui relève de la liberté d’expression et d’information doit y rester.” Après le blocage des sites internet faisant l’apologie du terrorisme par une autorité administrative, conformément à la loi du 14 novembre 2014, Christiane Taubira a annoncé la possibilité qu’une autorité administrative puisse fermer des sites racistes ou antisémites. Sans contrôle du juge, qui est le garant des libertés, la fermeture d’un site par une autorité administrative présente un danger réel pour les libertés publiques, au premier rang desquelles la liberté de l’information.
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Updated on 20.01.2016