Le gouvernement de Juan Manuel Santos devra rompre avec les pratiques des années Uribe
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A l’issue du second tour de l’élection présidentielle dont Juan Manuel Santos est sorti vainqueur, le 20 juin 2010, Reporters sans frontières rediffuse son rapport de mission “Chuzadas : les grandes oreilles du renseignement tournées contre la presse”. Ce document, publié pour la première fois le 27 mai dernier après une mission conjointe de l’organisation et de l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC), dresse le bilan d’une véritable chasse aux sorcières menée pendant huit ans par le pouvoir exécutif contre des personnalités critiques envers la politique de “sécurité nationale” d’Alvaro Uribe. Parmi elles et à ce stade de l’enquête figurent seize journalistes issus d’une dizaine de médias.
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L’affaire compromet l’avenir du Département administratif de sécurité (DAS). Le principal service de renseignement du pays apparaît comme le maître d’œuvre de pratiques allant des écoutes téléphoniques sauvages (“chuzadas”) à l’attentat, en passant par des campagnes de discrédit systématique ou “propagande noire” relayées au plus haut niveau de l’État.
Le scandale a encore enflé depuis qu’ont été révélées des manœuvres d’espionnage contre des personnalités étrangères, comme l’avocate et Prix Nobel de la paix iranienne Shirin Ebadi et le Chilien José Miguel Vivanco, directeur de l’organisation Human Rights Watch pour les Amériques, ainsi que des représentations diplomatiques en Colombie.
Juan Manuel Santos a longtemps été ministre de la Défense d’Alvaro Uribe, auquel il succédera à la présidence de la République, le 7 août 2010. Présenté comme l’héritier d’Alvaro Uribe durant la campagne, le prochain locataire de la Casa de Nariño devra néanmoins rompre avec des pratiques couvertes et encouragées par un gouvernement auquel il a appartenu.
Alors que des procédures sont ouvertes contre de hauts fonctionnaires de l’administration sortante, la coopération du nouveau chef de l’État avec la justice doit être totale s’agissant des trois grands scandales qui ont entaché la période 2003-2010 : les “chuzadas” et leurs corollaires, la “parapolitique”, et les exécutions extrajudiciaires (“falsos positivos”). Ces affaires constituent des violations gravissimes des droits de l’homme et des libertés fondamentales garanties par la Constitution politique de 1991, dont celle d’informer et d’être informé.
Comme nous l’avons demandé en conclusion de notre rapport, la réforme des services de renseignement ne peut ni ne doit être entreprise sans déclassification complète des documents et enregistrements compilés par le DAS et les autres administrations impliquées durant leur chasse aux journalistes et défenseurs des droits de l’homme. “Ce scandale a révélé un plan d’envergure de la part de l’administration Uribe pour démanteler la société civile, l’opposition, mais aussi la justice en Colombie”, a déclaré Claudia Julieta Duque, journaliste de Radio Nizkor, victime de ces pratiques, lors d’une visite à Paris et Bruxelles cette semaine.
Shirin Ebadi, qui s’est rendue dans le pays sous la présidence d’Alvaro Uribe pour y rencontrer des associations de familles des victimes du conflit, s’est dite “bouleversée par ces révélations” et prête à porter l’affaire devant une juridiction internationale.
Publié le
Updated on
20.01.2016