Colombie : les menaces contre les journalistes d'investigation s'intensifient malgré les efforts de réponse du gouvernement

Depuis septembre 2024, Reporters sans frontières (RSF) a constaté une augmentation des menaces envers les journalistes enquêtant sur les groupes paramilitaires et le crime organisé en Colombie. Malgré les efforts du gouvernement pour apporter une réponse dans les cas les plus urgents, à la suite de l'engagement pris par le président auprès de RSF et du FLIP, les journalistes menacés continuent de craindre pour leur vie et celle de leurs familles. RSF condamne fermement ces menaces et appelle les autorités colombiennes à aller plus loin et à prendre des mesures concrètes pour garantir la sécurité de ces journalistes.

Les journalistes colombiens font face à des menaces récurrentes de la part de groupes paramilitaires et de bandes criminelles. Au cours des deux derniers mois, des journalistes d'au moins cinq médias différents à travers le pays ont reçu une série de menaces très sérieuses, y compris des menaces de mort, ce qui a parfois conduit à l'autocensure. Le président Gustavo Petro a reçu directement les cas les plus critiques et a demandé publiquement que ces journalistes soient placés sous la protection de l'État. Une réponse positive qui fait suite à son engagement pris auprès de RSF et de la Fondation pour la liberté de la presse (FLIP) en août 2024. Cependant, alors que les menaces se poursuivent, de nombreux journalistes continuent de craindre pour leur vie.

"Une étape importante a été franchie lorsque le président Petro s'est engagé auprès de RSF et de la FLIP à créer un canal d'alerte direct pour traiter les cas critiques de violence envers les journalistes. Bien que la réponse publique du président soit une élément positif, il est clair que la violence et l'intimidation contre ces professionnels se répandent plus rapidement que les protections du gouvernement. Des mesures urgentes et robustes sont maintenant nécessaires pour garantir que les journalistes puissent faire leur travail sans craindre les menaces, le harcèlement ou la violence.

Artur Romeu
Directeur du bureau Amérique latine de RSF

Des journalistes et des médias menacés

Le 23 octobre, RSF a rapporté que le journaliste José Ignacio Arango, fondateur du média numérique Noticias Cúcuta 75, avait reçu des menaces de mort de la part d'au moins trois groupes criminels s'il ne partageait pas les messages demandés par ces groupes. Il y a un mois, il avait déjà dû demander le soutien de l'Unité de protection nationale (UNP Colombia) après avoir reçu des menaces en raison de ses enquêtes sur la corruption. Selon le journaliste, la protection offerte jusqu'à présent est insuffisante pour garantir sa sécurité.

Le journaliste Nicolás Sánchez Arévalo, du média numérique Vorágine, dont le travail d'investigation s'est concentré sur les relations entre les hommes d'affaires et les groupes narco-paramilitaires du pays, a reçu des menaces de mort provenant d'un compte Instagram anonyme. Ces menaces, qu’il reçoit depuis le 9 octobre, ont également touché sa famille, ce que le journaliste considère comme une forme d'intimidation psychologique. En raison de ces menaces, le média a temporairement suspendu ses enquêtes pour protéger son équipe.

Depuis 2023, William Stiven Rojas Rincón, journaliste indépendant qui collabore avec des médias numériques tels que La Reacción PrensaColprensa Colombia et El Nodo Colombia, est constamment la cible de menaces de mort de la part de bandes criminelles, en raison de ses enquêtes sur l'extorsion et le crime organisé. La Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a accordé des mesures de précaution en sa faveur le 13 octobre 2023. Cependant, malgré cette intervention, l'État colombien n'a pas mis en place de mécanismes de protection efficaces. En septembre 2024, la CIDH a réitéré l'urgence pour le gouvernement colombien d'adopter des mesures concrètes pour sauvegarder la vie de William Stiven Rojas Rincón et de se conformer à ses recommandations.

Le 20 septembre, le journaliste Leonardo Aguilar Arias, directeur du média local en ligne Noticias Doradita Regional, a, quant à lui, fait état de menaces de mort après avoir publié un article sur l'arrestation de sept policiers qui seraient liés à des groupes narco-paramilitaires. 

Revista RAYA, un magazine d'investigation critique, fait l'objet d'un harcèlement judiciaire constant, avec de multiples procès visant à délégitimer son travail et à entraver la diffusion d'informations sur la corruption et les violations des droits de l'homme dans le pays. Le magazine a réussi à documenter et à exposer des cas de corruption impliquant des autorités locales et des groupes criminels, ce qui a donné lieu à des représailles et à des menaces. Le 19 septembre, Revista RAYA déclaré qu'elle continuait à recevoir des menaces de la part de l'organisation narco-paramilitaire Clan del Golfo. 

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