Alejandro Santos avait été condamné pour avoir refusé de modifier une rectification d'article selon un format dicté par un juge. La haute juridiction a rappelé l'absence de fondement de cette obligation.
La Cour constitutionnelle a invalidé de fait, le 31 mars 2009, l'ordre de détention de trois jours émis contre le directeur de l'hebdomadaire Semana, Alejandro Santos, en estimant suffisant le rectificatif apporté par son journal à un article publié en 2008, mentionnant le nom du magistrat José Alfredo Escobar Araujo. Le magistrat, s'estimant atteint dans son honneur, avait engagé une procédure contre l'hebdomadaire et obtenu gain de cause. Alejandro Santos avait été condamné à de la prison et à une amende après avoir refusé de modifier le rectificatif selon des critères excessifs dictés par la justice. La Cour constitutionnel a fait valoir qu'en ordonnant un droit de réponse ou une rectification à un média, la justice ne pouvait imposer à celui-ci un format rédactionnel précis.
“Cette décision vient rappeler que le droit de réponse ou de rectification ne saurait être détourné dans le but d'affaiblir un média ou de punir un journaliste. La Cour s'est d'ailleurs fondée sur une jurisprudence déjà existante, que les précédentes juridictions ne pouvaient ignorer. En toute logique, cette décision doit s'appliquer à Daniel Coronell, directeur du programme d'informations “Noticias Uno” sur la chaîne publique Canal Uno, condamné à la même peine et pour des motifs similaires dans une affaire distincte”, a déclaré Reporters sans frontières.
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27.03.09 - Reporters sans frontières demande à la justice de surseoir aux ordres de détention émis contre deux journalistes
Reporters sans frontières demande aux autorités judiciaires de surseoir aux ordres de détention émis, le 26 mars 2009, contre Alejandro Santos et Daniel Coronell, respectivement directeur de l'hebdomadaire privé national Semana et directeur du programme d'informations “Noticias Uno” sur la chaîne publique Canal Uno. Les deux journalistes, qui font l'objet d'une procédure pour “outrage” dans deux affaires distinctes, tombent sous le coup d'une incarcération de trois jours, assortie d'une forte amende.
“Au-delà du contenu informatif publié ou diffusé, à l'origine des deux procédures, cette décision judiciaire tient du procédé d'intimidation contre les médias. Cette condamnation est d'autant plus injuste que les intéressés ont accédé à la demande de rectification des plaignants qu'ils avaient cités. La rectification ne doit pas être utilisée pour tenter de passer sous silence des informations. Enfin, il est de notoriété publique que Daniel Coronell entretient des relations très conflictuelles avec un magistrat du tribunal qui l'a condamné. Nous espérons que cette décison ne relève pas du règlement de comptes personnel”, a déclaré Reporters sans frontières.
En 2008, la revue Semana a publié un article mentionnant le magistrat José Alfredo Escobar Araujo. S'estimant atteint dans son honneur, ce dernier a engagé une procédure contre le média et obtenu gain de cause en août dernier, Semana publiant en conséquence un rectificatif. Pourtant, un mois plus tard, le tribunal a réitéré sa première décision en exigeant que le rectificatif respecte un format rédactionnel précis (typographie, taille de l'article, couleur...). La rédaction a rectifié une nouvelle fois mais sans respecter les critères imposés par la justice, qui a alors exigé une explication.
Invoquant la Constitution et la Convention interaméricaine des droits de l'homme, Alejandro Santos s'y est refusé. Accusé d'”outrage”, le directeur de Semana a écopé d'une condamnation à trois jours de prison et à une amende équivalant à six fois le salaire minimum (3 millions de pesos soit environ 1 000 euros). L'ordre de détention a été confirmé, le 26 mars. Le journaliste peut donc être arrêté à tout moment. Le même magistrat à l'origine de la plainte avait déjà engagé en 2006 une action, toujours en cours, contre une autre journaliste de Semana, María Jimena Dussan.
Daniel Coronell a été condamné à une peine similaire - l'amende étant portée dans son cas à quatre fois le salaire minimum - par le tribunal de Villavicencio (département du Meta, Est) après un affaire du même type l'opposant au départ à Reinel Gaitán Tangarife. Noticias Uno avait diffusé une information, contestée par les autorités, selon laquelle un dénommé Reinel Gaitán Tangarife avait servi de prête-nom au narcotrafiquant Daniel “El Loco” Barrera” pour l'offre d'une ferme au général de police Jesús Antonio Gómez Mendez. Une décision de première instance obligeant le média à une rectification était intervenue le 28 octobre 2008, et avait pris effet le 2 novembre. Le plaignant a pourtant argué que Noticias Uno n'avait pas respecté l'injonction des juges. La procédure pour “outrage” contre Daniel Coronell a suivi son refus de rectifier l'information une seconde fois.