A l'occasion du 19e anniversaire du massacre de la place Tiananmen, Reporters sans frontières demande la libération des quatre journalistes et cyberdissidents emprisonnés pour avoir pris position sur cet événement tabou en Chine populaire.
A l'occasion du 19e anniversaire du massacre de la place Tiananmen, le 4 juin 1989, Reporters sans frontières demande, une fois encore, la libération des quatre journalistes et cyberdissidents emprisonnés pour avoir pris position sur cet événement tabou en Chine populaire. L'organisation déplore la censure implacable qui subsiste sur ce massacre qui a coûté la vie à au moins deux mille étudiants et ouvriers chinois. Il est strictement interdit à tous les médias chinois de parler de cet événement majeur dans l'histoire de la Chine contemporaine.
"A deux mois des Jeux olympiques, les autorités chinoises tentent de faire oublier ce qui s'est passé le 4 juin 1989 sur la place Tiananmen. Mais les épreuves sportives et les festivités qui auront lieu en août sur la place centrale de Pékin ne pourront effacer cette page sombre de l'histoire de la Chine. Il est déplorable que depuis 19 ans, le Parti communiste chinois s'emploie à faire disparaître la mémoire du Printemps de Pékin par la censure et la répression", a déclaré l'organisation.
"Alors que le Comité exécutif du Comité international olympique se réunit le 4 juin à Athènes, en Grèce, nous demandons à Jacques Rogge de prendre position en faveur de la libération des prisonniers d'opinion avant le début des JO, notamment celle du journaliste Shi Tao, condamné à dix ans de prison pour avoir envoyé un e-mail sur les événements de Tiananmen", a ajouté Reporters sans frontières qui a tenu, le 30 mai 2008, une conférence de presse à Athènes.
En avril dernier, Reporters sans frontières a révélé que, dans un mémo confidentiel, le CIO justifiait la tenue d'une cérémonie en honneur de la flamme sur la place Tiananmen, par le fait qu'il s'agit de l'une des "plus fameuses places publiques du monde". Le CIO se déchargeait sur les organisateurs pékinois concernant la décision d'en avoir fait le point de départ du marathon. "Le CIO est une organisation sportive. Il n'est pas approprié pour nous de condamner l'utilisation de sites qui ont une signification historique et politique", indiquait ce document.
Le 4 juin 1989, les chars de l'armée chinoise écrasaient la révolte étudiante de Pékin et les autorités lançaient une vague de répression qui a conduit à des milliers d'arrestations. Selon Human Rights Watch, au moins 130 personnes sont toujours emprisonnées pour avoir participé à la révolte étudiante.
Les internautes chinois sont empêchés de s'informer librement sur ce qui s'est passé le 4 juin 1989 à Pékin et dans d'autres villes du pays. Ainsi la recherche "Liu Si", abréviation de 4 juin en chinois, est totalement infructueuse sur les moteurs Baidu et Sohu. La connexion au site est systématiquement relancée. Sur Sina et Google.cn, la grande majorité des résultats ne traitent pas des événements sanglants de 1989 mais de la place Tiananmen comme lieu historique. Et les liens vers des articles explicites sur le 4 juin 1989 sont bloqués. Quand l'internaute clique sur ces liens, la connexion est de nouveau réinitialisée.
Aucune mention du 4 juin n'est autorisée dans la presse sans l'aval du gouvernement. En juin 2007, plusieurs responsables de la rédaction du journal Chengdu Wanbao avaient été renvoyés pour avoir laissé publier une publicité d'une ligne rendant hommage aux mères courageuses du 4 juin, en référence aux mères des victimes de la place Tiananmen qui défendent la mémoire de leurs enfants.
Parmi les journalistes et cyberdissidents emprisonnés en raison de leurs prises de position sur le 4 juin, figure Shi Tao du quotidien Dangdai Shang Bao (Les Nouvelles du commerce contemporain), reconnu coupable, le 30 avril 2005, de "divulgation illégale de secrets d'Etat à l'étranger". Le journaliste a envoyé à un ami, basé à l'étranger, une note interne transmise à sa rédaction qui mettait en garde les journalistes contre les dangers d'une déstabilisation sociale et les risques liés au retour de certains dissidents à l'occasion de l'anniversaire du massacre de la place Tiananmen. Shi Tao a reconnu avoir envoyé ce document par e-mail mais a contesté son caractère secret. Le journaliste est incarcéré dans un centre de détention de Changsha depuis son arrestation, le 24 novembre 2004, à Taiyuan (Nord-Est). Il est forcé de travailler.
A la veille de l'anniversaire du massacre, l'Agence France-Presse a constaté une présence accrue de la police sur la place Tiananmen. La surveillance a également été renforcée devant les domiciles de plusieurs dissidents. L'un d'entre eux, Chen Xi, a été empêché de prendre l'avion à Guiyang (Guizhou) pour Pékin où il avait prévu de se rendre afin de participer à un mouvement de solidarité pour les victimes. "Je n'ai pas pu me rendre à Pékin, mais j'agirai tout de même à distance, pour marquer notre désapprobation vis-à-vis de l'Etat", a-t-il indiqué au site Boxun. Il prévoit d'organiser un rassemblement silencieux ainsi que des actions commémoratives sur Internet.
Le même article de Boxun signale la surveillance rapprochée de Qi Zhiyong depuis une vingtaine de jours. Celui-ci a perdu une jambe pendant la répression.
Ding Zilin, la mère de l'une des victimes du massacre a, quant à elle, adressé une lettre ouverte aux autorités, publiée sur le site des Mères de Tiananmen : www.tiananmenmother.org, réclamant la mise en berne du drapeau national pour honorer la mémoire des victimes des événements de juin 1989, comme cela a été fait récemment pour les victimes du tremblement de terre.
A l'occasion de cet anniversaire du massacre de la place Tiananmen, Reporters sans frontières demande aux autorités chinoises :
- de libérer les 31 journalistes et 48 cyberdissidents et internautes actuellement emprisonnés ;
- d'abolir la censure dans la presse et sur Internet à propos des évènements du 4 juin 1989 ;
- de mettre fin au harcèlement et aux mesures vexatoires (mises en résidence surveillée, filatures, écoutes téléphoniques...) à l'encontre des journalistes ayant participé au "Printemps de Pékin" ;
- d'autoriser les journalistes et dissidents exilés à rentrer en Chine en toute sécurité ;
- de permettre à la presse chinoise et internationale de rendre compte sans entraves des activités des groupes dissidents.