Un journaliste américain a été expulsé d'Indonésie après avoir enquêté dans la province d'Aceh, dévastée par le tsunami. Au moins cinq autres journalistes ont été brièvement interpellés ou empêchés de travailler par des militaires. Reporters sans frontières demande aux autorités de laisser les médias couvrir librement les zones affectées.
Un mois après le tremblement de terre et le tsunami qui ont ravagé l'île de Sumatra, et plus particulièrement la province d'Aceh, l'armée indonésienne tolère de moins en moins la présence de la presse étrangère. Une demi-douzaine de journalistes ont été brièvement interpellés ou priés de quitter la province, et les autorités ont établi de nouvelles règles qui limitent le travail de la presse.
Reporters sans frontières est très préoccupée par ces mesures. « Il serait regrettable que nous retournions à la situation prévalant avant le terrible tremblement de terre, c'est-à-dire une province d'Aceh fermée de fait aux médias étrangers. Les journalistes doivent avoir accès à toutes les zones affectées et aucune régulation spécifique ne doit être appliquée à la presse locale ou internationale», a déclaré Reporters sans frontières. L'organisation demande également des explications sur l'expulsion de William Nessen.
Le 24 janvier 2005, les autorités indonésiennes ont expulsé de Jakarta le journaliste indépendant américain William Nessen (photo). Il avait été arrêté la veille alors qu'il quittait la province d'Aceh. Selon les autorités, le reporter avait violé une interdiction de territoire qui lui avait été imposée en août 2003 après une première détention à Aceh. A cette époque, il avait été condamné à un mois et dix jours de prison pour violation de la législation sur l'immigration et à une interdiction du territoire indonésien d'un an. Celle-ci a pris fin en août 2004.
Photoreporter free-lance, collaborateur régulier des quotidiens The San Francisco Chronicle et The Sydney Morning Herald, William Nessen est le seul journaliste étranger à avoir couvert l'offensive de l'armée indonésienne du côté des rebelles du Free Aceh Movement (Gerakan Aceh Merdeka, GAM), en mai 2003.
William Nessen a déclaré à Reporters sans frontières être entré légalement, le 2 janvier 2005, en Indonésie et en Aceh. A sa sortie de la province, il a été interpellé par des agents de l'immigration. Cette décision aurait été prise à la demande de l'intelligence militaire. Le journaliste a été interrogé sur ses activités en Aceh. Avant d'être expulsé, son interdiction du territoire a été prolongée jusqu'en août 2005.
Déjà, le 7 janvier, Martin Chulov et Renee Nowytager, deux reporters du quotidien The Australian, avaient été menacés et priés de quitter la zone par des soldats indonésiens qui venaient d'essuyer des tirs de rebelles du GAM. « Votre devoir est d'observer le désastre, et non pas le conflit entre l'armée et le GAM », avait lancé un officier.
Le 29 décembre, Michael Lev, reporter du quotidien américain Chicago Tribune, et son fixeur indonésien, Handewi Pramesti, avaient été interpellés pendant 28 heures par des militaires à Meulaboh (Aceh).
Depuis le 26 décembre, plusieurs centaines de journalistes étrangers se sont rendus dans la province d'Aceh. Les services du ministère des Affaires étrangères à Medan ont enregistré une centaine d'arrivées entre le 30 décembre 2004 et le 15 janvier 2005. Sous l'impulsion du président Susilo Bambang Yudhoyono, l'administration a largement facilité l'accès de la presse internationale aux zones affectées.
Mais, le 13 janvier, l'armée indonésienne a annoncé que les journalistes et les humanitaires auraient dorénavant un accès limité aux deux villes principales, Banda Aceh et Meulaboh. Invoquant des raisons de sécurité, les autorités ont menacé d'expulsion les journalistes qui ne les auraient pas informée de leurs projets.
Quelques jours plus tard, Bruno Bonamigo, de la chaîne publique Radio Canada, a été empêché par les autorités de se rendre à Sigli (nord d'Aceh) pour suivre le travail de Médecins sans frontières.
La presse d'Aceh a été très durement affectée par le tremblement de terre : près d'une vingtaine de journalistes locaux sont morts ou ont disparu, et la plupart des installations ont été détruites. Avec l'aide internationale, des médias tels que le quotidien Serambi ont pu reparaître quelques jours seulement après le tsunami.
En mai 2003, l'instauration de la loi martiale en Aceh avait permis aux autorités militaires d'imposer à la presse des mesures très restrictives, condamnant au silence les journalistes qui couvraient la guerre sanglante contre les troupes du GAM. Pour avoir le droit de se rendre sur le théâtre des opérations, les journalistes des médias indonésiens et étrangers avaient dû intégrer des « pools » incorporés dans des unités de l'armée. Les rares médias d'Aceh avaient été placés sous la surveillance des autorités.