L'ancien bras droit du vice-président Dick Cheney autorisé à utiliser les notes d'un journaliste pour se défendre en justice

Reporters sans frontières se félicite de la libération de Judith Miller (photo), le 29 septembre, après 12 semaines de détention pour avoir refusé de révéler le nom d'une source d'information. Déliée par celle-ci de la promesse de confidentialité, la journaliste est aujourd'hui tenue de trahir le secret professionnel en contrepartie de sa remise en liberté. L'organisation regrette qu'un principe maître du métier de journaliste soit ainsi bafoué.

Le juge fédéral Reggie B. Walton a accepté, le 26 mai 2006, que des notes de conversations entre le journaliste Matthew Cooper, du magazine Time, et l'ancien directeur de cabinet du vice-président Dick Cheney, Lewis “Scooter” Libby, soient transmises aux avocats de ce dernier. Reporters sans frontières regrette une fois encore une décision “irrespectueuse de l'indépendance de la presse”. Soupçonné d'avoir révélé à plusieurs journalistes, dont Matthew Cooper, le nom d'un ancien agent de la CIA, Valerie Plame, Lewis Libby est actuellement sous le coup d'accusations de “parjure” et d'“obstruction à la justice”. La justice lui reproche d'avoir menti au FBI et devant un grand jury fédéral sur l'origine de cette “fuite” dont il est suspecté. Il devrait être fixé sur son sort en janvier 2007. En attendant, Lewis Libby et ses conseils ont contre-attaqué en tentant de mettre en cause la bonne foi des journalistes qu'il aurait mis dans la confidence. L'ancien directeur de cabinet a donc exigé de Judith Miller, du New York Times, de Matthew Cooper, du Time, et d'Andrea Mitchell, de NBC News, qu'ils livrent les notes, documents et emails susceptibles de servir à sa défense. Après examen de ces documents, le juge Walton a relevé “quelques différences” entre des extraits de conversations de Matthew Cooper avec Lewis Libby, et le compte rendu rédigé par le journaliste des déclarations du responsable politique devant le grand jury en audience préliminaire. C'est à ce titre que le journaliste se voit contraint de remettre ses notes. La décision ne concerne pas ses deux collègues, “pour l'instant”, a précisé le juge. Reggie B. Walton a statué en arguant que “les journalistes ne sont pas protégés par le Premier amendement de la Constitution dans une affaire criminelle”. Refusant de révéler leurs sources dans l'affaire Plame, Matthew Cooper et Judith Miller avaient été poursuivis et condamnés deux fois par la justice fédérale pour “outrage à la cour”. Après le refus de la Cour suprême fédérale de statuer sur leur cas, le 27 juin 2005, le journaliste du Time avait échappé à la prison en acceptant de révéler sa source en la personne de Lewis Libby. Judith Miller, quant à elle, avait été incarcérée du 6 juillet au 29 septembre, date à laquelle elle avait finalement cédé. La journaliste a, depuis, quitté la rédaction du New York Times. _______________________________________________________________________ 30.09.05 - Libération de Judith Miller : une heureuse nouvelle mais un nouveau revers pour le secret des sources
Reporters sans frontières se réjouit de la libération, le 29 septembre 2005, de Judith Miller, du New York Times, emprisonnée depuis le 6 juillet pour avoir refusé de révéler une source d'information. L'organisation déplore néanmoins qu'en contrepartie de sa remise en liberté, la journaliste ait été contrainte de violer le principe du secret professionnel. « La libération de Judith Miller est évidemment une heureuse nouvelle en soi. Cependant, elle ne recouvre la liberté qu'en échange du nom de sa source. Bien qu'ayant l'accord de celle-ci, le principe de la confidentialité des sources, l'un des socles du métier de journaliste, aura donc été bafoué. Le combat doit continuer pour que ce principe soit reconnu par la justice fédérale américaine. Nous attendons que le Congrès, où deux propositions de loi ont été déposées en ce sens, s'empare au plus vite de la question », a déclaré Reporters sans frontières. Judith Miller est sortie dans l'après-midi du 29 septembre de la prison fédérale d'Alexandria (Etat de Virginie, Est) où elle était détenue depuis près de douze semaines. La journaliste a été libérée en vertu d'un accord avec le procureur fédéral Patrick Fitzgerald, qui la poursuivait pour « outrage à la cour » en raison de son refus de révéler le nom de son informateur dans l'affaire Valerie Plame, ancienne agente de la CIA dont l'identité avait « fuité » dans la presse en 2003. Le silence de Judith Miller quant à l'origine de ses informations sur cette affaire lui a valu d'être condamnée deux fois par une cour d'appel fédérale en même temps qu'un de ses collègues, Matthew Cooper, du Time. Après le refus de la Cour suprême, le 27 juin, de statuer sur leur cas, Matthew Cooper avait échappé à la prison en acceptant de révéler sa source quand Judith Miller avait persisté dans son refus. Selon le New York Times, l'informateur de Judith Miller dans l'affaire Plame serait Lewis Libby, proche collaborateur du vice-président Dick Cheney. La journaliste devait le confirmer le 30 septembre devant le grand jury de la cour d'appel fédérale qui l'avait précédemment condamnée. La résolution du débat sur le secret des sources appartient maintenant au législateur. Deux propositions de loi en ce sens déposées en février au Congrès attendent toujours d'être débattues. Leur vote signerait la fin d'une carence juridique qui veut que le privilège du secret des sources ne soit pas reconnu aux journalistes au niveau fédéral, alors qu'il l'est en théorie dans 31 Etats de l'Union dotés de « lois boucliers » (« shield laws).
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Updated on 20.01.2016