Alors que s'annonce la tenue prochaine d'un grand procès de 131 opposants, dont 13 journalistes, Reporters sans frontières demande à l'ONU de dépêcher en Ethiopie une mission d'observation judiciaire, chargée d'évaluer le bien-fondé des accusations formulées par les autorités, de veiller au respect des règles de la justice et de tenir informé le Conseil de sécurité. Dix-sept journalistes sont actuellement détenus en Ethiopie, faisant du pays la plus grande prison d'Afrique pour les professionnels des médias.
Reporters sans frontières recommande la plus extrême prudence au gouvernement éthiopien et assure qu'elle fera preuve d'une grande vigilance tout au long de la procédure judiciaire qui doit donner lieu au procès de 131 opposants, dont 13 journalistes de la presse privée, détenus depuis novembre 2005 et accusés d'avoir fomenté une insurrection. Alors que s'annonce la tenue prochaine d'un grand procès politique à Addis-Abéba, Reporters sans frontières demande à l'Organisation des Nations unies (ONU) de dépêcher en Ethiopie une mission d'observation judiciaire, chargée d'évaluer le bien-fondé des accusations formulées par les autorités, de veiller au respect des règles de la justice et de tenir informé le Conseil de sécurité.
« Les chefs d'accusation de haute trahison ou génocide sont extrêmement graves en ce qui concerne des journalistes, a déclaré l'organisation. Nous appelons le gouvernement éthiopien à faire preuve de la plus extrême transparence dans ces affaires. Le Premier ministre Meles Zenawi ne doit pas chercher à diminuer l'intensité des critiques à son encontre au prix de la liberté ou de la vie des citoyens. Pour vérifier le sérieux de la procédure et évaluer si, oui ou non, le gouvernement éthiopien a quelque chose à cacher, le Conseil de sécurité doit être informé dans le détail sur le procès politique qui s'annonce et dont les motifs sont, en l'état actuel de nos connaissances, pour le moins inquiétants. »
Selon les recoupements effectués par Reporters sans frontières, 17 journalistes sont actuellement détenus en Ethiopie, faisant du pays la plus grande prison d'Afrique pour les professionnels des médias.
L'organisation proteste par ailleurs contre la condamnation à des peines de prison ferme de Getachew Simie, journaliste de l'hebdomadaire Addis Admas et ancien rédacteur en chef de l'hebdomadaire aujourd'hui disparu Agere, Leykun Engeda, ancien rédacteur en chef de l'hebdomadaire disparu Dagim Wonchif, et Wosonseged Gebrekidan, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Addis Zena et ancien rédacteur en chef de l'hebdomadaire Ethiop.
Enfin, Reporters sans frontières réitère son appel à la remise en liberté des journalistes du service en oromo de la télévision publique Ethiopian Television (ETV), Shiferraw Insermu et Dhabassa Wakjira, accusés d'être des informateurs du mouvement politico-militaire Oromo Liberation Front (OLF) et détenus sans procès depuis 2004.
La deuxième chambre de la Haute Cour fédérale d'Addis-Abeba doit, le 21 décembre 2005, soumettre leurs actes d'accusation à 131 leaders de l'opposition, membres de la société civile et directeurs de journaux raflés dans le courant du mois de novembre, et examiner une demande de mise en liberté sous caution introduite par leurs avocats. Parmi les accusés figurent treize responsables d'hebdomadaires privés en amharique, que le gouvernement accuse d'avoir participé à une tentative de renversement du pouvoir. Il s'agit de Dawit Kedebe, rédacteur en chef de Hadar, et son adjoint Feleke Tibebu, arrêtés le 2 novembre ; Fassil Yenealem, directeur de publication de Addis Zena, et son rédacteur en chef Wosonseged Gebrekidan ; Zekarias Tesfaye, directeur de publication de Netsanet, et son rédacteur en chef adjoint, Dereje Abtewold, qui se sont rendus à la police le 9 novembre ; Andualem Ayale, rédacteur en chef de Ethiop ; Nardos Meaza, rédacteur en chef de Satenaw ; Mesfin Tesfaye, rédacteur en chef de Aday ; Wonakseged Zeleke, rédacteur en chef de Asqual ; Eskinder Nega, propriétaire du groupe de presse Serkalem Publishing Enterprise, qui édite les hebdomadaires Asqual, Menelik et Satenaw, ainsi que son épouse Serkalem Fasil, rédactrice en chef de Menelik, arrêtés le 27 novembre ; enfin Sisay Agena, directeur de publication de Ethiop et responsable de l'Association éthiopienne des journalistes de la presse libre (EFJA), a été arrêté le 29 novembre, après que sa sœur et sa femme avaient été détenues pour livrer des informations sur l'endroit où il se cachait.
Ces journalistes avaient été arrêtés dans la foulée des émeutes meurtrières de novembre, en compagnie des leaders et de cadres de la Coalition pour l'unité et la démocratie (CUD, principale formation de l'opposition), de militants des droits de l'homme et de responsables d'associations, accusés par le Premier ministre Meles Zenawi d'avoir « lancé une insurrection ». A partir du 1er novembre, la police éthiopienne avait violemment réprimé des manifestations organisées à Addis-Abéba et dans plusieurs villes de province par la CUD, protestant contre les résultats des élections législatives du 15 mai 2005 qui ont vu le parti au pouvoir rafler deux tiers des sièges au Parlement. La CUD affirme que le parti de M. Meles, l'Ethiopian People's Revolutionary Democratic Front (EPRDF), a truqué le décompte des voix. Elle avait appelé ses partisans à exiger que justice leur soit rendue en manifestant. Lors des affrontements avec l'armée, 48 personnes avaient été tuées et 200 autres blessées. Au moins 11 000 personnes avaient été interpellées.
Le 16 décembre, le ministère public fédéral a fait savoir que 131 personnes, dont 19 dirigeants de la CUD, parmi lesquels 10 députés, ainsi que trois journalistes dont Reporters sans frontières n'a pu encore établir l'identité, étaient inculpés de 15 chefs d'accusation distincts, dont « conspiration », « insurrection armée », « tentative de renversement de l'ordre constitutionnel », « haute trahison » et « génocide ».
Parallèlement, le 6 décembre, l'un des journalistes déjà arrêtés lors de la rafle de novembre, Wosonseged Gebrekidan, a été condamné à huit mois de prison pour une affaire de diffamation datant de 2002, alors qu'il était rédacteur en chef d'Ethiop. Le 7 décembre, Getachew Simie a été condamné à trois mois de prison pour diffamation, tandis que, le 9 décembre, Leykun Engeda a été condamné à 15 mois de prison pour publication de fausses nouvelles dans une affaire datant de 1999.
« Dans un pays à la législation liberticide, où les journaux d'opposition croulent sous les procès, ces affaires semblent avoir été opportunément déterrées pour punir des publications critiques. Le fait que l'avocat de Wosonseged Gebrekidan n'avait pas été prévenu que l'affaire serait jugée et n'était pas présent à l'audience tend à le prouver », a ajouté Reporters sans frontières.
Enfin, l'organisation rappelle que Shiferraw Insermu et Dhabassa Wakjira, tous deux journalistes du service en langue oromo de la chaîne de télévision publique ETV, sont incarcérés depuis le 22 avril 2004. Ils sont accusés d'être des informateurs de l'OLF, un mouvement insurrectionnel du Sud qui s'oppose à la mainmise des minorités amharas et tigréennes sur le pays et milite pour l'instauration d'un Etat indépendant, rassemblant les Oromos éthiopiens.