La réponse de RSF aux allégations du Syndicat des journalistes palestiniens sur le bilan annuel des journalistes tués

Face aux accusations graves concernant le nombre de journalistes palestiniens tués figurant dans le bilan, Reporters sans frontières (RSF) rappelle qu’il s’agit des journalistes tués dans l’exercice ou à raison de leurs fonctions. Depuis le début de la guerre, RSF enquête sur les crimes et exactions contre les journalistes, tout en les dénonçant publiquement et en appelant la communauté internationale à mettre fin à l’impunité d’Israël.

Dans un communiqué publié le 15 décembre, le Syndicat des journalistes palestiniens (SJP) critiquait RSF après la publication de notre bilan annuel. Ce bilan publié le 14 décembre, qui porte sur l’ensemble du monde, indiquait qu’au moins 13 journalistes avaient été tués dans l’exercice ou à raison de leurs fonctions, parmi les 56 journalistes tués au total à cette date, depuis le 7 octobre à Gaza. Dans son communiqué, le syndicat, qui ne fait pas la distinction entre les journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions et les autres, accusait RSF de “blanchir l'image de l'occupation”, de “protéger Israël de toute responsabilité devant la justice internationale”, de “parti pris en faveur de l'occupation” et “d’absence de professionnalisme”.



RSF regrette profondément que le syndicat palestinien, membre de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), fasse peser une menace de poursuites vraiment très déplacée au regard des faits comme des enjeux : Le syndicat prendra des mesures juridiques garanties par le droit international et les lois nationales des pays pour tenir pour responsables quiconque répond de l'occupation et justifie les crimes de guerre israéliens contre les journalistes palestiniens.”

“En cette période tragique pour les journalistes palestiniens, nous sommes convaincus du rôle important du Syndicat des journalistes palestiniens (SJP) aux côtés de nos confrères sur le terrain. Notre organisation sera à ses côtés autant que nous le pouvons, pour la défense du droit à l’information. Néanmoins, nous ne voulons pas laisser sans réponse des accusations graves et ineptes, qui portent atteinte à l’image de notre organisation, alors même que notre équipe fait tout pour venir en aide aux journalistes palestiniens. Ces accusations témoignent dans le meilleur des cas d’une méconnaissance des positionnements de RSF. Ces procès d’intention et ces querelles de chiffres n’ont pas de sens.

Christophe Deloire
Secrétaire général de RSF

Dans un courrier envoyé le 23 décembre au président du SJP, à Nasser Abou Baker, RSF fait valoir que la méthodologie employée pour établir le bilan annuel de l’organisation permet à ce jour d’avancer qu’au moins 14 journalistes tués à Gaza l’ont été dans l’exercice ou à raison de leurs fonctions, mais qu’il n’y a pas d’éléments suffisamment probants ou de faisceaux d’indices qui permettent de l’affirmer pour tous les autres journalistes tués. Ce qui ne réduit en rien la tragédie à laquelle sont confrontés les journalistes palestiniens, avec l’ensemble de la population civile, du fait des bombardements israéliens.

Quatre plaintes auprès de la CPI depuis 2018

Depuis des années, RSF dénonce le ciblage systématique des journalistes palestiniens par les forces israéliennes et appelle la communauté internationale à mettre fin à l’impunité d'Israël. Depuis le 7 octobre, RSF n’a eu de cesse de dénoncer publiquement comment Israël éradique le journalisme à Gaza, et de documenter le meurtre de plus d’un journaliste par jour sous les frappes israéliennes, notamment l’enquête sur le crime contre le journaliste libanais Issam Abdallah et ses collègues le 13 octobre, qui a pu prouver que l’endroit où se trouvaient les journalistes était ciblé.

RSF a déposé plainte auprès de la Cour pénale internationale (CPI) le 22 décembre 2024, après une première plainte en date du 31 octobre, à propos de 14 journalistes palestiniens (au total pour les deux plaintes) tués par les forces israéliennes dans l’exercice ou à raison de leurs fonctions. C’est la quatrième plainte concernant la Palestine déposée par RSF auprès de la CPI, la première datant de 2018 pour demander une enquête sur les homicides de deux journalistes. En 2021 également, l’organisation avait déposé une plainte à la suite des bombardements d’une vingtaine de médias dans la bande de Gaza par les forces israéliennes. RSF a par ailleurs accompagné la plainte déposée par Al Jazeera auprès de la CPI concernant l’assassinat de la journaliste palestinienne Shirin Abu Akleh en Cisjordanie le 11 mai 2022.

Enquête et soutien aux journalistes palestiniens

Comme le secrétaire général de RSF l’évoque dans le courrier adressé au Syndicat des journalistes palestiniens, le respect de la méthodologie employée dans l’ensemble des pays du monde permet à ce jour d’avancer qu’au moins 14 des 65 journalistes tués à Gaza l’ont été dans l’exercice ou à raison de leurs fonctions : “Pour les autres, nous n’avons pas encore d’éléments suffisamment probants ou de faisceaux d’indices. Nous considérons en effet que la charge de la preuve nous revient. Nous n’incluons donc pas dans nos chiffres les cas de journalistes tués sans que nous ayons la conviction étayée qu’ils sont morts du fait de leur qualité de journalistes. Nous continuons, chaque jour, d’enquêter sur les circonstances des exactions contre les reporters, avec des correspondantes sur place. Cela ne nous a pas empêchés de publier des communiqués sur l’ensemble des journalistes tués à Gaza, qui sont une preuve supplémentaire des effets tragiques des bombardements sur les populations civiles. Nous ne voulons pas entrer dans une querelle de chiffres avec la FIJ et le SJP, mais à notre sens votre comptage soulève des questions de méthodologie, dans la mesure où il inclut des personnes qui ne sont pas tous journalistes. Nos méthodologies diffèrent.

RSF poursuit aussi également son soutien concret aux journalistes enfermés à Gaza, et menacés chaque jour de frappes de l’armée israélienne : en partenariat avec Arab Reporters for Investigative Journalism (ARIJ), le bureau Assistance de RSF a fait parvenir, à ce jour, des bourses à près d'une trentaine de journalistes gazaouis. 

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