Reporters sans frontières est révoltée par les propos menaçants tenus par le chef du parti présidentiel, Hussein Radjabu. "La voie de l'intimidation, de l'injure et de la répression ne fait que dégrader une situation déjà inquiétante”, a déclaré l'organisation.
Reporters sans frontières est révoltée par les propos menaçants envers la presse tenus le 3 septembre 2006 par le chef du parti présidentiel, Hussein Radjabu, et notamment les attaques personnelles dirigées contre Emmanuel Nsabimana, journaliste de la radio de la mission locale des Nations unies, Radio ONUB.
“La crise ouverte par l'affaire du coup d'Etat déjoué aura bientôt atteint son point critique si rien n'est fait pour apaiser les tensions. La presse privée, accusée de tous les maux, sera sans doute la première victime de la répression. Il est urgent que le président Pierre Nkurunziza prenne l'initiative de renouer des relations de confiance avec les médias indépendants, sérieusement bousculés depuis quelques semaines. La voie de l'intimidation, de l'injure et de la répression ne fait que dégrader une situation déjà inquiétante”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 3 septembre, dans le stade Prince Rwagasore de Bujumbura, le président du Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD) a publiquement attaqué certains journalistes. Devant des milliers de sympathisants réunis à l'occasion de la célébration du premier anniversaire de l'investiture du président Pierre Nkurunziza, Hussein Radjabu les a appelés à appliquer, à l'encontre des journalistes jugés subversifs pour l'Etat et qualifiés de “crânes qui parlent”, la morale d'une histoire populaire. Cette histoire raconte la rencontre d'un homme et d'une tête décapitée. A la question : “De quoi es-tu mort, Monsieur ?”, la tête répond : “Moi, je suis décédé de mort naturelle, mais toi, tu mourras de ta parole” (“Jewe nishwe n'urwabagabo nawe uzokwicwa n'akarimi kawe”). Il a également évoqué Emmanuel Nsabimana, le qualifiant de “mendiant” à la recherche “de vin dans les ambassades”.
Le climat politique burundais est empoisonné depuis quelques semaines par la mise en échec d'une tentative supposée de coup d'Etat, dont de nombreux médias indépendants ont mis en doute la véracité. Le directeur de la station privée Radio publique africaine (RPA), Alexis Sinduhije, notamment, a publiquement dénoncé un “montage” opéré par les “durs” du CNDD-FDD, sous l'autorité d'Hussein Radjabu, un personnage puissant et controversé. Le 5 septembre, la deuxième vice-présidente du Burundi, Alice Nzomukunda, a d'ailleurs démissionné de son poste pour dénoncer la corruption et la “totale incapacité” du gouvernement. Elle a nommément accusé Hussein Radjabu d'être responsable de la situation, affirmant qu'il ne “respecte pas les institutions de la République”.
Depuis l'apparition de l'affaire du coup d'Etat déjoué dans la vie politique burundaise, Alexis Sinduhije et ceux qui lui donnent la parole, c'est-à-dire l'essentiel des radios privées de Bujumbura, sont dénoncés par le parti présidentiel et leurs médias comme étant des “radios de la haine” et des “manipulateurs” en lutte “contre les institutions démocratiquement élues”. Afin de punir la RPA pour ses positions, le 18 août, les autorités ont ordonné la fermeture de son antenne de Ngozi (Nord), au lendemain d'une déclaration du président mettant en garde “certaines radios et certains journalistes qui se sont érigés en tribunaux et en juges”. Les rumeurs d'arrestation imminente, les menaces anonymes et les attaques verbales achèvent de dégrader une situation déjà tendue.
Le jour du meeting organisé au stade Prince Rwagasore, le CNDD-FDD a d'ailleurs publié une fausse information sur son site Internet, affirmant que Gabriel Nikundana, rédacteur en chef de la station privée Isanganiro, avait fui le Burundi pour chercher asile en Europe, via le Kenya. Or, celui-ci se trouve à Bujumbura, après un bref séjour en Ouganda.
Enfin, Reporters sans frontières rappelle la situation scandaleuse dans laquelle se trouve le correspondant à Kayanza (Nord) de l'Agence burundaise de presse, Aloys Kabura. Le journaliste est détenu depuis le 31 mai à la prison centrale de Ngozi, pour avoir critiqué, dans un bar de la ville, l'attitude du gouvernement dans un incident ayant opposé la police, un député dissident du parti au pouvoir et plusieurs journalistes. Il attend toujours l'issue de son procès, en délibéré depuis le 28 juillet.