La presse pakistanaise prise dans l’étau de la violence

Le 2 décembre 2013 à Karachi, des individus à moto s’en sont pris au bâtiment du groupe Express Media, propriétaire du quotidien Express Tribune et de la chaîne de télévision Express News. Reporters sans frontières condamne avec force cette attaque préméditée d’une violence inouïe et appelle les autorités à mener une enquête minutieuse afin d’appréhender les coupables et les traduire en justice. “Il est terrifiant de constater que des individus puissent prendre pour cible des professionnels des médias au moyens de bombes artisanales et de pistolets pendant une quinzaine de minutes pour ensuite s’enfuir sans encombre. La question de la responsabilité des forces de sécurité doit être posée : pourquoi le véhicule policier affecté à la sécurité du média s’était-il retiré quelque temps avant les faits alors que les autorités étaient pleinement conscientes du risque encouru par ce média suite à l’attaque survenue en août dernier ? Toute la lumière doit être faite dans cette affaire, dans les plus brefs délais”, a déclaré l’organisation. L’attaque du bâtiment a débuté aux alentours de 19 heures. Quatre hommes à moto ont lancé des explosifs sur les locaux avant d’ouvrir le feu indistinctement en direction du bâtiment.Les employés qui s’affairaient au sein des rédactions de Express Tribune, Express News channel, Daily Express et Sindh Express, ont affirmé avoir subi un véritable “tir de barrage” pendant plusieurs minutes, après chacune des deux détonations d’engins explosifs artisanaux dont la conception indiquerait, selon la police l’implication des taliban. Un agent de sécurité, Faizan Ali a été blessé durant l’attaque, de même que Salman Fazili du service marketing, mais leurs jours ne sont pas en danger. Les policiers sont arrivés environ dix minutes après que les assaillants ont pris la fuite, et ont trouvé sur les lieux du crime quinze chargeurs vide de pistolets 9mm. Il s’agit de la seconde attaque en quelques mois, le bâtiment ayant déjà été pris pour cible le 16 août dernier par un homme armé. Depuis cette attaque, un véhicule de police était posté aux abords des bureaux afin d’assurer leur sécurité, jusqu’à ce qu’il se retire sans explication il y a deux semaines. Le groupe Express Media est considéré comme un média libéral au Pakistan, assurant la promotion du journalisme éthique, de la liberté de la presse et d’expression et constitue une plateforme d’expression pour ceux qui luttent contre les tendances extrémistes. Le 3 décembre, l’Union fédérale des journalistes Pakistanais a lancé un ultimatum au gouvernement déclarant que si les coupables n’étaient pas arrêtés dans un délai de 72 heures, les journalistes organiseraient en signe de protestation des rassemblements à travers tout le pays. Cette démarche, qui fait suite à la condamnation unanime de l’attaque subie, vise notamment à montrer que les journalistes ne sont pas une “cible facile”. Dans une autre affaire, le journaliste de Royal TV Farhan Ahmed Bangash a été arrêté le 20 novembre 2013 et inculpé en vertu de sept chefs d’accusation, notamment pour “incitation à la violence” conformément à la loi anti-terrorriste. Il couvrait alors des affrontements qui ont fait dix victimes, le 15 novembre dernier près de Peshawar. Le Club de la presse de Kohat s’est emparé de l’affaire, protestant contre l’absence de preuves de la police contre Farhan Ahmed Bangash. Son président, Fazal Mehmood s’est particulièrement inquiété qu’un journaliste puisse être inculpé en vertu de la loi anti-terroriste. Le journaliste qui clame son innocence a été placé en détention provisoire pendant douze jours, avant d’être transféré à un autre poste de police, pour des raisons toujours inconnues. La détention et la torture, il y a quelques jours à Peshawar, du journaliste Aqeel Yousafzai par des membres de l’ISI, qualifié par Reporters sans frontières de “prédateurs de la liberté de la presse”, rappelle que les violences à l’encontre des journalistes ne sont pas uniquement le fait des acteurs non étatiques. Le Pakistan se situe à la 159ème position sur 179 selon le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Crédit photo : The Express
Publié le
Updated on 20.01.2016