La Haute Cour de Mumbai accorde-t-elle une importance suffisante à l'enquête sur le meurtre de Jyotirmoy Dey?
Organisation :
Le 22 juin 2011, la Haute Cour de Mumbai a décidé d'accorder deux semaines supplémentaires à la Police locale, qui a désormais jusqu'au 6 juillet prochain pour rendre son rapport d'enquête sur le meurtre de Jyotirmoy Dey, journaliste d'investigation pour le quotidien Mid Day et spécialiste du crime organisé, abattu le 11 juin dernier à la périphérie de la ville.
Reporters sans frontières s'inquiète du fait que l'enquête soit menée par la police de Mumbai.
"Nous estimons que l'enquête criminelle aurait dû être confiée dès le départ à une instance fédérale. Par ce geste, le gouvernement indien aurait garanti une totale impartialité dans la conduite des investigations et aurait témoigné de sa volonté de résoudre cette affaire. La police de Mumbai, dont l'un des anciens responsables avait menacé le journaliste par le passé, est la moins bien placée pour enquêter sur le meurtre de Jyotirmoy Dey", a déclaré l'organisation.
Selon un article en ligne d'India Times, la police serait également en charge d'une enquête sur ses propres liens présumés avec la mafia du pétrole. L'organisation rapelle que Jyotirmoy Dey avait été menacé par Anil Mahabole, anciennement préfet adjoint de la police, suite à un article qui révélait ses liens avec Dawood Ibrahim, un parrain de la mafia.
La Haute Cour de Mumbaï a rejeté la pétition, présentée conjointement par un groupe d'avocats et de journalistes indiens, demandant le transfert de l'enquête sur le meurtre de Jyotirmoy Dey au Central Bureau of Investigation (CBI), autorité fédérale en charge des dossiers particulièrement sensibles et importants.
Le 11 juin vers 15h30, quatre individus circulant sur deux motos avaient ouvert le feu à plusieurs reprises sur le journaliste, qui rentrait chez lui dans le quartier de Hiranandani à Powai, au nord de Mumbai.
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Un reporter spécialiste du crime organisé abattu dans la banlieue de Mumbai
15-06-2011
Reporters sans frontières condamne le meurtre de Jyotirmoy Dey, journaliste d'investigation et spécialiste du crime organisé, abattu par des hommes non identifiés, le 11 juin 2011. Jyotirmoy Dey, journaliste confirmé, avait travaillé pour des journaux tels que The Indian Express et Hindustan Times, avant de mener des enquêtes spéciales pour le compte du quotidien Mid Day. Le journaliste, qui faisait référence dans la couverture d'affaires impliquant la pègre et le crime organisé à Mumbai depuis plus de deux décennies, a été abattu en plein jour de cinq balles dans le dos, par quatre motocyclistes dans la banlieue de Powai (nord de Mumbai).
"Nous adressons en premier lieu nos condoléances à son épouse, également journaliste, aux proches et aux collègues de Jyotirmoy Dey. Nous demandons aux autorités indiennes de mener une enquête approfondie pour élucider ce meurtre qui s'apparente à une exécution préméditée. Les incidents récents et les violences dont sont victimes les journalistes, reflètent une certaine détérioration des conditions de travail pour les professionnels des médias dans le pays. Nous tenons à rappeler au gouvernement indien l'importance du rôle des médias dans la démocratie et son devoir de protection et de justice envers tous les membres de la profession. Jyotirmoy Dey menait un travail d'intérêt public et sa mort ne doit pas rester impunie," a déclaré Reporters sans frontières
Le 11 juin vers 15h30, quatre individus circulant sur deux motos ont ouvert le feu à plusieurs reprises sur le journaliste qui rentrait chez lui à moto dans le quartier de Hiranandani à Powai. Jyotirmoy Dey a été transporté à hôpital le plus proche à Hiranandani où il a été déclaré mort peu après. Les tireurs, non identifiés, ont pris aussitôt la fuite.
Selon les premiers éléments d'information, relayés par la presse indienne, la "mafia du pétrole" (oil mafia), abondamment décrite par le reporter, pourrait être responsable de sa mort, malgré les déclarations de certains officiels qui ont affirmé que Jyotirmoy Dey ne ciblait aucun gang ni aucune mafia dans ses écrits ni ne travaillait sur une enquête importante au moment de son décès. Le préfet de police Arup Patnaik aurait déclaré que Jyotirmoy Dey n'avait pas déposé de plainte au sujet de menaces sur sa vie. Selon le site d'information The Morung Express des sources policières auraient toutefois indiqué que le journaliste, qui avait récemment publié une série d'articles sur la "mafia du pétrole", avait reçu des menaces de la part d'éléments "anti-sociaux".
Des membres de la police pourraient également être impliqués dans l'assassinat du journaliste. Récemment, le préfet adjoint de police, Anil Mahabole, aurait été brusquement muté à un poste insignifiant suite à une enquête dont il ferait l'objet en lien avec le meurtre de Jyotirmoy Dey. Le préfet adjoint serait déjà visé par plusieurs enquêtes, notamment après avoir menacé un autre journaliste à Mumbai, Tarakant Dwivedi. Ce dernier avait été arrêté par la police le 17 mai dernier et accusé d'"effraction criminelle" en vertu de la loi sur le secret d'Etat, pour avoir dénoncé un défaut de sécurité d'un dépôt militaire situé près de la gare de Chhatrapti Shivaji.
Jyotirmoy Dey et diverses associations de journalistes avaient alors rencontré le ministre de l'Intérieur pour protester contre l'arrestation par la police de Tarakant Dwivedi. D'après les propos de ce dernier, relayés par Deccan Chronicle, le préfet avait parlé à Jyotirmoy Dey deux semaines avant son assassinat. La teneur de la conversation n'aurait pas été révélée. Par ailleurs, Jyotirmoy Dey aurait été menacé par Anil Mahabole il y a quelques années, après que ce dernier fut désigné par le journaliste comme l'un des agents de la police de Mumbai ayant des liens avec le parrain de la mafia Dawood Ibrahim.
Jyotirmoy Dey est l'auteur de deux livres sur la mafia du pétrole, dont "Zéro Dial", qui décrit le fonctionnement des indicateurs, sources d'information pour la police, proches de la mafia.
Le 24 février 2011, Reporters sans frontières a rend public un rapport thématique consacré au crime organisé, l'une des principales menaces actuelles sur la liberté d’informer.
Publié le
Updated on
20.01.2016