L’Agglo-Rieuse est attaqué en diffamation pour un
article intitulé “
Arnaque présumée : mais où est passé tout ce fric”, publié le 10 mai 2010, dans lequel Jean-Marc Aubert mentionne des poursuites en justice lancées contre l’homme d’affaire Robert Garzillo et fait état de critiques adressées au groupe Strada et à ses filiales, dont Robert Garzillo est le PDG. Or, la somme demandée par la cour d’appel paraît anormalement élevée pour une condamnation pour diffamation impliquant un journal aux moyens extrêmement limités.
Un premier procès a été ouvert le 1er décembre 2011 pour atteinte à l’honneur et à la considération de Robert Garzillo suite à l’article paru le 10 mai qui
énonce que “
le passé de R. Garzillo recèle des faillites retentissantes et des ennuis judiciaires, antérieurs à la procédure actuelle”. En première instance, les deux journalistes ont été condamnés à payer respectivement 1 000 euros d’amende à Robert Garzillo. Le journal est aussi poursuivi par les sociétés IPF, TPF, Strada Architecture et par le groupe Strada pour diffamation. Les quatre sociétés ont pour leur part vu leurs demandes rejetées par le tribunal correctionnel de Montpellier.
Devant la
cour d’appel de Nîmes, la situation a été beaucoup moins favorable au journal. La présidente de la cour, Mme. Greiss, a dans un premier temps demandé 8 000 euros au titre de dommages et intérêts et de frais de justice à Robert Garzillo. La cour a ainsi contredit les premiers juges en affirmant que le journaliste n’avait pas réalisé d’enquête sérieuse et qu’il avait bien porté atteinte à l’image des quatre sociétés. Ce dernier avait en effet été averti par Robert Garzillo de l’amalgame qu’il était en train de commettre entre la personne du PDG et ses sociétés, sans pour autant prendre ces données en considération. La cour y a vu “
une volonté évidente de nuire” et elle a souligné que “
les parties civiles ont incontestablement subi un préjudice”.
L’Agglo-Rieuse, son journaliste et son directeur ont été condamnés à payer conjointement 50 000 euros au groupe Strada, le plus cité dans l’article, et 10 000 euros à chacune des filiales du groupe. Ils devront aussi verser 800 euros à chacune des parties civiles pour les frais de justice. La somme totale atteint donc 91 200 euros.
“
La cour d’appel de Nîmes semble avoir perdu le sens de la mesure. Même si l’article est contestable, le montant de la condamnation dépasse de loin tout ce qui est raisonnable : 91 200 euros, c’est-à-dire 50 % du chiffre d’affaire de L’Agglo-Rieuse ! On assiste à la mise à mort d’un journal par asphyxie économique”, s’indigne Lucie Morillon, directrice des programmes de Reporters sans frontières.
Outre le caractère exorbitant des dommages et intérêts demandés, RSF rappelle que la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) considère que la diffamation s’interprète différemment selon qu’il s’agisse d’une personne morale ou d’une personne physique : “
Il y a une différence entre l’atteinte à la réputation commerciale d’une société et l’atteinte à la réputation d’une personne. Alors que cette dernière peut entraîner des répercussions sur la dignité de la personne, l’atteinte à la réputation commerciale d’une société n’a pas de dimension morale.” (§ 22 - traduction libre- CEDH Uj c/ Hongrie, requête n°23954/10). L’action étant engagée en l’espèce par des sociétés commerciales, la liberté d’expression devrait donc s’apprécier plus largement.
Si des dommages et intérêts atteignent parfois la dizaine de milliers d’euros, il est rarissime d’observer des condamnations à des sommes supérieures contre des médias lors de procès en diffamation en France.