L’accusation abusive de collusion avec le Sentier lumineux à l’origine de la saisie d’une revue

Soupçonnée de liens avec la guérilla maoïste du Sentier lumineux, la revue Vórtice s’est vue confisquer, le 24 août 2012 dans son imprimerie de Lima, les exemplaires de ses trente-trois dernières éditions. L’opération a été menée sur décision concertée du ministère public, du parquet antiterroriste de l’État et de la police, mais sans notification préalable auprès des représentants de la publication. Le directeur de Vórtice, Ronald Cárdenas Loayza, y décèle le manque d’arguments des magistrats pour l’accuser d’“apologie du terrorisme”, punie de huit à quinze ans de prison. “Cette confiscation d’exemplaires publiés, et donc en circulation, interroge sur les intentions réelles des autorités. Veut-on réquisitionner tous les exemplaires de Vórtice pour tenter d’établir à tout prix la preuve d’une “apologie du terrorisme” que rien ne démontre en l’état ? Ou s’agit-il d’une pure intimidation qui révélerait tout autant la faiblesse de l’accusation portée contre la revue ?”, s’est demandé Reporters sans frontières. “Ronald Cárdenas Loayza admet partager certaines idées d’Abimael Guzmán, chef historique du Sentier lumineux emprisonné depuis 1992 et condamné à perpétuité. Vórtice plaide, il est vrai, en faveur d’une amnistie générale pour les anciens acteurs du conflit armé (1980-2000). Or, ceci ne signifie en rien que la publication fasse l’apologie des crimes perpétrés à l’époque par le Sentier lumineux. La sensibilité, compréhensible, de l’opinion publique péruvienne sur cette question ne doit pas conduire la justice à agir dans l’émotion. Un débat national serein et de fond vaut mieux que le tabou”, a estimé l’organisation Reporters sans frontières. Critiquée sur le fond comme sur la forme - notamment par l’ancien président de la Chambre pénale nationale pour les affaires de terrorisme, Marcos Ibazeta –, la saisie de Vórtice fait suite à une plainte du parlementaire Octavio Salazar. Elle coïncide également avec la récente approbation en conseil des ministres d’un projet de loi, à présent soumis au Congrès, destiné à réprimer la négation des crimes commis par la guérilla maoïste durant les années de guerre. Cette future législation s’élabore alors que la demande d’amnistie générale, dont Vórtice s’est fait l’écho, mobilise un certain nombre de mouvements politiques. L’amnistie concernerait non seulement les anciens combattants du Sentier lumineux et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA - groupe armé revendiqué guévariste) mais aussi l’ancien président Alberto Fujimori, qui purge une peine de vingt-cinq ans de prison pour des violations des droits de l’homme commises sous son mandat (1990-2000). La Commission de la vérité et de la réconciliation dénombre 69 000 morts et disparus à l’issue de la guerre qui a déchiré le pays durant vingt ans. Ce sombre bilan inclut à la fois les victimes du Sentier lumineux et celles de l’armée, souvent dénoncée elle aussi pour de très graves atteintes aux droits humains durant cette période. Élu à la présidence de la République en 2011, l’ancien lieutenant-colonel Ollanta Humala a personnellement pris part à la lutte contre le Sentier lumineux dans les années 90.
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Updated on 20.01.2016