Enquête ouverte contre le journaliste d’investigation Gustavo Gorriti au Pérou : une entrave à la liberté de la presse et le secret de ses sources menacé

Le parquet national du Pérou a ouvert une enquête contre le plus célèbre journaliste d’investigation du pays, Gustavo Gorriti, pour corruption présumée. Reporters sans frontières (RSF) réclame l’abandon de cette enquête qui porte une lourde atteinte au journalisme d’investigation, pourtant crucial dans la lutte contre la corruption dans le pays.

Le directeur  et fondateur du site d’investigation indépendant IDL-Reporteros, Gustavo Gorriti, est un journaliste renommé pour ses enquêtes sur la corruption, et notamment celle intitulée “l’affaire Odebrecht”, qui a déjà mené à l'inculpation de quatre anciens présidents péruviens. 

Depuis ce 27 mars, c’est Gustavo Gorriti qui fait l’objet d’une enquête préliminaire, soupçonné, dans cette affaire, d’avoir corrompu des procureurs d’une cellule spéciale enquêtant depuis 2016 sur les pots-de-vin versés au Pérou par l’entreprise de travaux publics brésilienne Odebrecht au Pérou. 

Une manœuvre vraisemblable pour intimider le reporter et tous les journalistes d’investigation s’en prenant au pouvoir en place. La plainte à l’origine de l'enquête contre Gustavo Gorriti a été déposée par un ancien élu local du parti apriste (APR) d'Alan Garcia, ex-président ayant mis fin à ses jours au moment de son arrestation dans le cadre de l'affaire Odebrecht en 2019. Le journaliste d’investigation est notamment soupçonné d’avoir orienté l’enquête à propos de l’ancienne candidate à la présidentielle Keiko Fujimori dont le procès pour blanchiment d’argent doit s’ouvrir le 1er juillet prochain. 

Le procureur général a ordonné au directeur d’IDL-Reporteros de fournir le numéro de téléphone qu’il utilisait au moment des faits présumés, le contraignant ainsi à révéler ses sources.

"RSF demande au parquet national du Pérou l’abandon immédiat de l'enquête contre Gustavo Gorriti. La levée du secret de ses communications téléphoniques constitue une violation de la protection du secret des sources des journalistes. Cette enquête vise à décourager les journalistes d'enquêter sur les faits de corruption impliquant les élites politiques, au risque de se trouver à leur tour sur le banc des accusés. Ouverte à des fins politiques, visant aussi deux magistrats anti-corruption, elle met à mal l'indépendance de la justice dans un pays en pleine crise institutionnelle.

Artur Romeu
Directeur du bureau Amérique latine de RSF

Des menaces à répétition

Le domicile de Gustavo Gorriti et les bureaux de IDL-Reporteros, sont régulièrement la cible de militants liés au parti de l'ancien président Alberto Fujimori (1990-2000) et à d'autres formations d’extrême droite, qui se réunissent plusieurs fois par mois  pour réclamer l’arrestation du journaliste et le menacer de mort. 

La profonde crise politique et institutionnelle que vit le Pérou depuis la destitution du président Pedro Castillo a considérablement aggravé les conditions d’exercice du journalisme. Le Pérou est le pays de la région qui a connu la plus importante chute dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF, où il occupe le 110e rang sur 180 pays en 2023, après perdu 33 places.

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