Le respect de la liberté de la presse reste fortement dépendant du contexte politique et économique au Kenya. L’assassinat, en octobre 2022, d’un journaliste pakistanais confirme les problèmes de sécurité auxquels font face les professionnels des médias dans le pays.
Paysage médiatique
Avec plus de 100 stations de radio et près de 50 chaînes de télévision, le secteur audiovisuel kényan est riche et pluraliste. L’entreprise Royal Media Services domine le marché avec 14 radios et trois chaînes de télévisions, Citizen TV étant la plus populaire. Le secteur de la presse écrite est beaucoup moins développé, avec seulement quatre quotidiens d’information généralistes sur le marché. Le groupe de presse Nation Media Group domine le paysage journalistique au Kenya et en Afrique de l’Est.
Contexte politique
Une grande partie des médias appartiennent à des responsables politiques ou à des proches du pouvoir. L’élection, en août 2022, de William Ruto à la tête du pays a symbolisé le début d’une période difficile pour la presse. Des responsables de grands groupes de presse comme Nation Media Group et d’importants médias comme Daily Nation ont été licenciés à cause de pressions politiques. Les autorités peuvent influencer les nominations des responsables de médias et celles de l’organe de régulation des médias, une autorité présentée comme indépendante, qui dépend en réalité directement de l’État. Cette forte présence du pouvoir politique génère de l’autocensure.
Cadre légal
La liberté de la presse est consacrée par la Constitution de 2010, mais il existe de nombreuses dispositions remettant en cause ces principes fondamentaux parmi la vingtaine de textes et de lois régissant l’exercice du journalisme au Kenya. La loi sur la cybercriminalité adoptée en 2018 prévoit, par exemple, jusqu'à 10 ans de prison et 40 000 euros d’amende pour la diffusion de “fausses nouvelles” susceptibles d’inciter à la violence. L'accès aux informations publiques reste très difficile malgré la promulgation d’une loi sur le sujet.
Contexte économique
De hauts responsables du gouvernement Ruto considèrent certains médias comme des groupes d’intérêts politiques. De manière générale, aucune mesure n’a été prise pour améliorer l’environnement économique de la presse. La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a également entraîné la suppression d’au moins 300 postes de journalistes et le remplacement de l’information par de la musique sur de nombreux programmes radio, selon le syndicat des journalistes kenyans. Le processus d'attribution des aides publiques à la presse est opaque.
Contexte socioculturel
L’appartenance ethnique, souvent associée au positionnement politique, pèse encore sur l’exercice du journalisme dans le pays. Elle peut être à l’origine de promotion ou de mise à l’écart dans certaines rédactions. Certains sujets relatifs à la sécurité nationale, au terrorisme, à la religion ou encore aux trafics de drogue, d'armes et d'êtres humains sont très sensibles, et les journalistes qui les ont abordés ont parfois dû demander une protection.
Sécurité
L’assassinat en octobre 2022 du journaliste pakistanais de renom Arshad Sharif a remis la question de la sécurité des journalistes sur le devant de la scène. Les différentes enquêtes sur ce meurtre sont marquées par une opacité empirée par l’absence d’accord d’entraide judiciaire entre le Kenya et le Pakistan. Couvrir des événements organisés par l’opposition, notamment les manifestations, ou dépeindre les dysfonctionnements du parti au pouvoir peut aussi coûter cher aux journalistes. Les campagnes électorales sont souvent l’occasion d’une forte recrudescence des exactions : agressions physiques – tant par les forces de sécurité que par la population –, campagnes d’intimidation, menaces publiques de la part d'hommes politiques, confiscation de matériel par la police. Les enquêtes sur les exactions commises contre les journalistes aboutissent rarement à des condamnations.