Journée des journalistes du 8 novembre : Reporters sans frontières appelle à la libération des 33 journalistes emprisonnés et publie un document édifiant du dépatrement de la propagande

A l'occasion de la Journée des journalistes, l'administration chinoise dénonce les difficultés auxquelles les professionnels des médias doivent faire face, mais sans même mentionner le principal prédateur de la liberté de la presse : le Département de la propagande. Reporters sans frontières publie un document adressé par les censeurs de Pékin aux rédactions chinoises.

À l'occasion de la huitième célébration officielle en Chine populaire de la Journée des journalistes du 8 novembre, Reporters sans frontières appelle les autorités à respecter les droits des professionnels des médias chinois, largement bafoués dans le pays. Le bilan est accablant : au moins 33 professionnels des médias sont actuellement détenus, un journaliste a été tué et plusieurs dizaines ont été agressés en 2007. Pour illustrer l'importance du contrôle éditorial par les autorités, l'organisation publie un document récent envoyé aux principaux médias chinois par le Département de la propagande avant le Congrès du Parti communiste chinois (PCC) d'octobre dernier. Ce texte, obtenu auprès d'une rédaction de Pékin, montre très clairement que le Département de la propagande - pudiquement rebaptisé Département de la publicité -, oblige les journalistes à censurer et s'auto-censurer sur de nombreuses informations. Le document est un rappel à l'ordre très clair : quand le Département de la propagande diffuse une note intitulée "Interdiction de reportage", il est strictement interdit de publier une quelconque information sur le sujet. De même quand la note adressée aux rédactions précise "Ne pas envoyer de reporter", il est interdit aux médias de réaliser leur propre enquête. Ils sont alors contraints de publier les dépêches de l'agence de presse gouvernementale Xinhua. Glossaire utilisé pour les exigences de la propagande Afin que les directives du Département de la propagande soient mieux appliquées, et que les équipes de rédaction respectent les règles de discipline mises en place pour l'information, qu'elles partagent l'information autant que possible, voici le glossaire spécifique. Nous espérons que grâce à celui-ci, les équipes de rédaction vont approfondir leur compréhension des directives et les mettre en application. 1- "Interdiction de reportage" signifie : interdiction d'écrire un reportage sur le sujet. 2- "Ne pas envoyer de reporter" signifie : autorisation de publier l'article standard de l'agence Xinhua ou bien de reproduire le reportage, article (contribution) d'un média local. 3-"Interdiction de critiquer" signifie : aucun commentaire sur les propos y compris au moyen d'un dessin. 4-"Pas d'exagération" signifie : reportage objectif, pas de prise de position ou d'image en Une. 5-"Absolument pas d'exagération" signifie : idem. 6-"Pas d'opportunisme" signifie : pas d'analyse en Une et l'article ne doit pas prendre une page entière, interdiction de faire plusieurs reportages successifs. 7-"Absolument pas d'opportunisme" signifie : pas d'analyse en Une, l'article ne couvre pas une page entière, pas de gros titre, pas de reportages successifs. 8-"Pas de reportage sans permission" signifie : possibilité de publier l'article standard de l'agence Xinhua, possibilité d'envoyer une demande au Département de la propagande en décrivant l'angle et le nombre de mots du futur article. 9-"Pas de reportage, temporairement" signifie : pas de reportage. 10- "Pas de participation" signifie : pas de reportage. Au vu de la censure massive imposée par le Département de la propagande lors de la préparation du Congrès du PCC, Reporters sans frontières réaffirme son soutien à la "Déclaration contre le ministère de la Propagande" diffusée en 2004 par l'intellectuel Jiao Guobiao. Il y affirmait notamment que la "censure du Parti communiste chinois bloquait le développement civilisé de la société chinoise" et que le Département de la propagande était "le bastion des forces les plus réactionnaires et leur permet d'abuser de leur pouvoir". A l'occasion du 8 novembre, l'Administration générale de la presse et des parutions (GAPP) a de son côté diffusé, le 5 octobre, un document qui reconnaît que les journalistes chinois font face à de nombreux problèmes dans le cadre de leur activité. Selon le rapport, certains subissent des pressions de la part de groupes privés pour qu'ils retirent une information. D'autres sont victimes d'agressions. Mais aucune mention de cas comme celui de Pang Jiaoming du China Economic Times qui avait été sanctionné par les autorités, en juillet dernier, pour avoir publié une enquête sur la mauvaise qualité des matériaux de construction des rails de la première ligne de train à grande vitesse reliant Wuhan à Canton. Le rapport officiel dénonce également les membres de la profession payés pour faire de la publicité aux entreprises, ceux qui profitent de leur statut afin de faire du chantage. Le GAPP revient également sur le problème des journalistes non déclarés et promeut la carte de presse obligatoire. En revanche, l'organisme officiel ne prend pas sérieusement en compte la situation des journalistes indépendants et pigistes. Cette situation est également due à l'existence d'un syndicat unique de journalistes, affilié au Parti communiste. Reporters sans frontières rappelle enfin le cas du journaliste Lan Chengzhang, tabassé à mort le 10 janvier 2007 par les hommes de main du directeur d'une mine de charbon illégale, dans le Shanxi (Nord). Lan Chengzhang travaillait pour le China Trade News, mais comme il était en période d'essai, les autorités ont refusé de le considérer comme un journaliste. Il ne disposait pas encore d'une carte de presse et n'avait pas été autorisé à mener son enquête. Pour cette raison, des médias et des officiels chinois l'ont accusé d'être un "faux journaliste" pratiquant l'extorsion, un reproche couramment utilisé pour discréditer les auteurs d'enquêtes dérangeantes. Ses assassins ont été condamnés à des peines de prison. A l'occasion de la Journée des journalistes, le GAPP rappelle que "les reportages doivent être vrais, précis, objectifs, justes et ne doivent pas s'opposer aux intérêts de l'Etat ou enfreindre les droits des citoyens". Mais à aucun moment, l'organisme ne mentionne les problèmes de censure auxquels sont confrontés les médias chinois.
Publié le
Updated on 20.01.2016