Inquiétante recrudescence de brutalités policières contre les journalistes indiens
Reporters sans frontières (RSF) a recensé au moins quatre cas de violences policières à l’encontre des journalistes en Inde pour le seul mois de mars 2018. L’organisation appelle les autorités à prendre des mesures immédiates pour sanctionner les responsables et mettre un terme à ce climat de défiance.
“Nous avons recensé au moins quatre cas de journalistes brutalisés par les forces de l’ordre pour le seul mois de mars 2018, remarque Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Ces violences contre la presse et le climat de défiance envers les forces de l’ordre qu’elles suscitent sont inacceptables. Nous appelons les autorités à diligenter des enquêtes sérieuses sur ces brutalités avec, le cas échéant, des sanctions appropriées. Il est du devoir du ministère de l’Intérieur de donner des directives claires pour que les officiers de terrain, tout comme les commissaires qui donnent les ordres, respectent le travail des journalistes et leur sécurité. Et ce sur l’ensemble du territoire national.”
Extrême violence
Quelques jours auparavant, le dimanche 25 mars, dans l’Etat du Kerala (sud-ouest), le reporter du quotidien Suprabhatham N. C. Shareef a été battu et emmené au poste pour avoir voulu recueillir des informations sur un mouvement de protestation à Areekode.
A l’autre bout du pays, en Inde du nord-est, au moins sept journalistes ont été blessés le samedi 10 mars sous les coups de bâton des policiers de l’Etat de l’Assam, alors qu’ils tentaient de couvrir un rassemblement d’étudiants. Parmi ceux-ci, Emmy Lawbei, de la chaîne News18, sa consoeur Catherine Sangi, de All India Radio, et Tridip Mandal, de The Quint, ont témoigné de l’extrême violence dont ils ont fait l’objet, et ce malgré leurs tentatives répétées de faire état de leur statut de journalistes, comme en attestent les vidéos de l’événement.
Deux jours plus tôt, dans les rues de Delhi, un photojournaliste, qui préfère ne pas révéler son identité, a été agressé par des agents de police durant une opération de fermeture du marché de Lajpat Nagar. Alors qu’il a pris le cliché d’un commandant de police battant un commerçant, il s’est vu frappé et confisqué son appareil, les agents lui demandant d’effacer le cliché. Lui et son collègue ont ensuite été emmenés au poste.
Impunité
La recrudescence de ces cas de brutalités policières est d’autant plus inquiétante qu’elle s’accompagne d’une impunité généralisée à l’égard des responsables. En témoignent les suites données à un cas similaires de violences policières contre les journalistes, qui a eu lieu en février 2017 : plus d’un an après les faits, le rapport d’enquête qui a été rédigé pour faire la lumière sur ces brutalités prend la poussière dans un placard du Quartier général de la police de la capitale, sans qu’aucune sanction n’ait été prise par le commissaire en chef. L’enquêtrice qui a dirigé ce travail, elle, a été mutée à un poste subalterne.
Alors que la presse indienne vient d’être endeuillée par les meurtres de trois journalistes en vingt-quatre heures, il convient aux représentants de l’Etat de montrer l’exemple, sans quoi l’Inde risque fort de perdre à nouveau des places au Classement mondial de la liberté de la presse, où elle occupe aujourd’hui la 136ème place.