Menaces de leurs agresseurs, contre-plainte de la police : RSF dénonce la double peine de deux journalistes séquestrés et battus en Inde

Séquestrés, humiliés, poursuivis, c’est le calvaire vécu par deux journalistes dans l’État de l’Uttar Pradesh, au nord de l’Inde, à la suite de la diffusion de reportages critiques sur le maire local. Si sept de leurs agresseurs présumés ont été arrêtés, Amit Dwivedi et Shailendra Kumar Mishra continuent de vivre sous les menaces et sont aussi visés par une plainte déposée par la police. Une situation ubuesque. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités d’abandonner les poursuites visant les reporters, de remettre en place leur protection policière et de traduire en justice leurs agresseurs.
“Nous avons été enfermés, humiliés et torturés, raconte Shailendra Kumar Mishra, pigiste pour le site d’information Bharat Samvad. Et pour couronner le tout, la police a enregistré une plainte contre nous. Je dois mener une bataille juridique et j’ai peur pour ma famille, nous avons reçu des menaces.” Avec son confrère Amit Dwivedi, pigiste pour le quotidien Dainik Bhaskar, il raconte avoir été séquestré par le maire d’une petite ville du sud de l’Uttar Pradesh et ses hommes de main. Les reporters témoignent avoir été enfermés dans une maison, durant trois heures, par ces hommes, roués de coups, menacés avec un pistolet, contraints à se déshabiller, et à boire de l’urine.
L’agression s’est produite le 27 octobre 2024, trois jours après leur reportage sur des accusations de harcèlement visant le maire. Les journalistes rapportent avoir également été filmés dans des mises en scène humiliantes, ce que confirment des photographies et des vidéos consultées par RSF. Après avoir été relâchés, ils sont allés porter plainte et ont été placés sous protection policière pendant six semaines. Sept des dix accusés ont été arrêtés, mais l'un d'entre eux a été libéré sous caution le 6 février dernier.
Près de cinq mois plus tard, Shailendra Kumar Mishra et Amit Dwivedi vivent toujours dans l’angoisse, à la suite des menaces d’un proche du maire, qui, selon leur témoignage, aurait prévenu les journalistes qu’ils “ne s’en sortiraient pas ainsi la prochaine fois”. Ils sont, en outre, poursuivis par la police locale qui a enregistré une plainte contre eux, basée sur le récit du propriétaire de la maison. Lue par RSF, la plainte les accuse de “violation de domicile”, “insulte” et “intimidation criminelle”.
“Les deux journalistes ont été victimes de violences et d’humiliations abjectes, simplement pour avoir exercé leur métier. Ils sont toujours menacés mais ne bénéficient plus d’aucune protection policière. Pire, ils sont poursuivis abusivement par la police. Il est intolérable que ces reporters vivent dans la peur et soient traités comme des criminels alors qu’ils sont des victimes. RSF demande l’abandon immédiat de toutes les charges retenues contre Amit Dwivedi et Shailendra Kumar Mishra et la remise en place de leur protection policière. L’organisation appelle également les autorités à engager des actions fermes pour traduire rapidement en justice l’ensemble de leurs agresseurs.
Les poursuites contre les journalistes sont toujours en cours. Les menaces d’un proche du maire et la contre-plainte de la police ont plongé ces deux journalistes dans une situation dramatique. Devant l’inaction du tribunal de district d’Hamirpur, saisi de la plainte initiale, les deux journalistes ont porté l’affaire devant la haute cour d'Allahabad. “Nous avons écrit à tout le monde, du Premier ministre, au ministre en chef, en passant par les dirigeants locaux, pour demander l'abandon des fausses accusations et la condamnation de ceux qui nous ont torturés, mais en vain”, déplore Shailendra Kumar Mishra.
Amit Dwivedi témoigne auprès de RSF : “Je ne sais pas comment je vais pouvoir continuer ce combat inégal, nos adversaires sont riches et puissants.” Le journaliste ajoute avoir été contraint de quitter son domicile et de se cacher, craignant pour sa sécurité et celle de ses proches : “Je ne peux plus travailler et faire de reportages. Notre quête de justice ressemble à une punition, nous n'avons commis aucun crime pour mériter cela. Nous avons simplement fait notre métier.”
Contactée à de multiples reprises, le superintendant au commissariat de police de Jariya et son adjoint, chargés de l’affaire, n'ont pas répondu à RSF.