Le 28 novembre 2008, le journaliste
Vittorio de Filippis (photo
AFP), ancien directeur de la publication de
Libération de mai à décembre 2006, a été interpellé au petit matin, à son domicile, conduit dans un centre de détention, soumis à des fouilles au corps, avant d'être présenté à un juge du tribunal de grande instance de Paris. La raison de l'usage de méthodes aussi coercitives ? Une plainte pour diffamation contre le journal, dans laquelle la responsabilité de Vittorio de Filippis est engagée.
"Nous sommes indignés par le caractère intolérable des méthodes employées contre Vittorio de Filippis et leur nature humiliante. C'est du jamais vu en France ! Traiter un journaliste comme un criminel, et recourir à des procédés tels que la fouille au corps, est non seulement choquant mais est indigne de la justice française. Nous réclamons des excuses concernant ces procédés employés dans une affaire de diffamation, où la sanction encourue ne prévoit pas de peine de prison", a déclaré Reporters sans frontières.
"Depuis plusieurs années la situation de la liberté de la presse se dégrade en France, ce dont témoigne la 35e place occupée par l'Hexagone dans notre dernier classement mondial. La France détient le triste record européen du nombre de convocations judiciaires, mises en examen et placements en garde à vue de journalistes", a poursuivi l'organisation.
"Le 24 novembre dernier, avec Mediapart, nous avons tiré la sonnette d'alarme en organisant le
"Off" des Etats généraux de la presse qui se déroulent actuellement. Ce qui vient de se passer alimente nos inquiétudes. Les journalistes sont trop souvent assimilés à des gêneurs, voire à des criminels, et le rôle essentiel joué par la presse est négligé", a conclu Reporters sans frontières.
Le 28 novembre 2008, à 6h40, le journaliste économique Vittorio de Filippis a été réveillé à son domicile par des policiers. Ceux-ci lui ont fait savoir qu'ils étaient en possession d'un mandat d'amener délivré par le tribunal de grande instance (TGI) de Paris contre lui. Il a été interpellé devant ses enfants, qui se trouvaient sous sa surveillance ce jour-là. A 7h10, le journaliste est arrivé au commissariat du Raincy, où les motifs de son interpellation lui ont été communiqués : une des nombreuses plaintes pour diffamation déposées contre le quotidien
Libération par le fondateur de la société Free, Xavier Niel, après la publication d'articles de Renaud Lecadre dans les colonnes du quotidien, ainsi que dans son édition numérique.
Directeur de la publication du quotidien lors de la parution de ces textes, Vittorio de Filippis est considéré comme leur auteur principal, en vertu de l'article 42 de la loi sur la presse de 1881. A 8h30, il a été transféré au TGI de Paris, où il a été, par deux fois, soumis à une fouille au corps avant d'être présenté, à 10h40, à un juge, Muriel Josié, vice-présidente du TGI. En l'absence des avocats de
Libération, le journaliste a refusé de répondre aux questions de la magistrate, qui lui a signifié sa mise en examen et a ordonné sa remise en liberté, à 11h30.