Inde : violentes attaques contre les femmes journalistes par des fondamentalistes hindous au Kerala

Reporters sans frontières (RSF) dénonce les agressions intolérables dont ont été victimes les journalistes qui couvraient un pèlerinage dans un temple hindou pour la première fois ouvert aux femmes dans l’Etat du Kerala, dans le sud de l’Inde. L’organisation appelle les autorités à garantir la sécurité des reporters.

Des dizaines de journalistes attaqués, essentiellement des femmes… A l’occasion de l’ouverture aux croyants - et pour la première fois aux femmes - du temple hindou de Sabarimala, hier mercredi 17 octobre dans l’Etat du Kerala, en Inde du sud, des centaines de manifestants déchaînés proches des milieux fondamentalistes s’en sont pris aux reporters qui couvraient l’événement avec une violence inouïe. Le pèlerinage doit durer jusqu’à lundi.


“Nous appelons les autorités indiennes à tout mettre en œuvre pour garantir la protection des journalistes qui veulent couvrir cet événement, et plus particulièrement des femmes, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Cela vaut naturellement pour le gouvernement du Kerala, dont le rôle est de protéger les journalistes au moyen de forces de police suffisantes. Mais c’est aussi valable pour les plus hautes instances de la mouvance nationaliste hindou, à commencer par les responsables du parti au pouvoir et le Premier ministre, qui doivent condamner ces violences intolérables avec la plus grande fermeté.”


Lapidée


Hier, vers midi, dans la localité de Nilackal, sur la route qui mène au temple, la voiture de la journaliste de Republic TV Pooja Prasanna a été attaquée par une foule hystérique. Quelques minutes plus tard, non loin de là, l’envoyée d’India Today, Mausami Singh, a été traînée hors d’un bus et giflée à plusieurs reprises. Alors qu’elle tentait de trouver refuge dans un véhicule de police, elle a été lapidée par des assaillants qui, selon les témoins, répétaient en boucle des slogans religieux.


Au même moment, dans la localité de Pamba, la journaliste du site The News Minute, Saritha S. Balan, a elle aussi été traînée hors d’un bus public et violemment battue, notamment à la colonne vertébrale. La voiture de la reporter de CNN-News 18 Radhika Ramaswamy a été détruite.


L’envoyée de New Delhi TV Sneha Koshy et la journaliste du site local newsgil.com Libi C.S. ont elles aussi été attaquées. Le rédacteur de Reporter TV, Rajeesh, a subi une fracture au bras, et son reporter d’image a lui aussi été blessé. A ces noms faut-il ajouter des dizaines d’étudiants en journalisme  - essentiellement des étudiantes - violemment prises à partie et entravées dans leur couverture de ce pèlerinage qui attire chaque année jusqu’à 20 millions de dévots.


Enquête interdite


Pourquoi une telle fureur ? Suite à un arrêté de la Cour suprême indienne, à compter de ce 17 octobre, le temple de Sabarimala n’est désormais plus interdit aux femmes âgées entre 10 et 50 ans, comme il l’était depuis des siècles. Une croyance archaïque défendue par les milieux fondamentalistes hindous voudrait que la présence de femmes en âge d’avoir leurs règles perturberait la principale divinité vénérée dans l’enceinte de Sabarimala. Les militants de la mouvance se sont donnés l’ordre pour interdire aux femmes journalistes tout accès au temple pour cette ouverture inédite.


En Inde, couvrir les thématiques relatives aux droits des femmes peut exposer les journalistes qui osent le faire à de terribles représailles. Cela peut aller jusqu’à la mort, comme ce fut le cas il y a un peu plus d’un an avec l’assassinat de Gauri Lankesh, rédactrice en chef de l’hebdomadaire laïque et féministe Gauri Lankesh Patrike. Mais le problème dépasse largement les frontières du pays, comme l’a récemment révélé un rapport réalisé par RSF, “Droits des femmes : enquêtes interdites” - Iran, Mexique, Somalie, France, Etats-Unis, la problématique est globale.


L’Inde se situe en 138e position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2018.

Publié le
Updated on 19.10.2018