France : RSF dépose plainte pour usurpation d’identité et pratiques commerciales trompeuses

Reporters sans frontières (RSF) a déposé une plainte auprès du procureur de la République de Paris le 23 juillet 2024, après la campagne de discrédit visant l’ONG et révélée par une enquête journalistique de l’association. 

La plainte contre X déposée par RSF ce 23 juillet marque l’entrée dans le temps judiciaire : le procureur de la République peut utiliser les pouvoirs qui sont les siens pour établir la chaîne de responsabilité dans la vaste campagne de discrédit dont a été victime l’association à la suite de la décision “Reporters sans frontières” du Conseil d’État du 13 février 2024. 

Dans les semaines qui ont suivi cette décision, demandant au régulateur de l’audiovisuel français de réviser son analyse de la mise en œuvre des principes de pluralisme et d’indépendance par la chaîne CNews, l’ONG a fait l’objet d’une campagne de dénigrement sans précédent, tant via certains médias traditionnels que sur les réseaux sociaux. 

Dans le cadre de cette campagne, émanant principalement de médias contrôlés par le groupe Bolloré, et au terme d’une enquête journalistique, RSF a identifié qu’une agence de “communication”, Progressif Media, est à l’origine de la création d’un site usurpant son identité. Les pièces dont l’ONG a pris connaissance et désormais entre les mains de la justice, détaillent la stratégie d’influence utilisée contre l’association et font explicitement état de la création du faux site RSF et de plusieurs autres, ainsi que de l’achat de noms de domaine très proches de celui de l’association. Détenue à hauteur de 8,5 % par le groupe Vivendi, l’entreprise dispose de bureaux situés à la même adresse qu’un certain nombre d’autres sociétés du groupe. 

La plainte contre X déposée par Maîtres Clémence Witt et Simon Clemenceau du cabinet Siano pour le compte de RSF vise notamment les infractions d’usurpation d’identité, délit prévu et réprimé par l’article 226-4-1 du Code pénal, ainsi que de pratiques commerciales trompeuses, délit prévu et réprimé par les articles L. 121-4 et L. 132-2 du Code de la consommation.

“Que les médias d’un groupe en lien avec les intérêts idéologiques et économiques d’un actionnaire aient pu prendre pour cible une ONG agissant dans son droit – tel que reconnu par le Conseil d’État dans sa décision du 13 février 2024 – constitue une instrumentalisation des médias sans précédent. En outre, les éléments remis à la justice montrent que cette campagne de presse coïncide avec une campagne de désinformation en ligne visant à faire croire à un soutien populaire massif à la chaîne CNews. De telles pratiques rappellent que le groupe Vivendi n’est plus aujourd’hui un acteur du paysage audiovisuel comme les autres. En définitive, ce sont les citoyens qui sont trompés et le débat démocratique qui est faussé. Pour réparer le préjudice subi et prévenir la répétition de tels agissements, RSF porte plainte. À la justice d’établir l’ampleur des manipulations et la chaîne de responsabilités.

Thibaut Bruttin
Directeur général de RSF

L’enquête de RSF a révélé que l’agence Progressif Media administre plusieurs comptes X (anciennement Twitter) se présentant de façon mensongère comme des collectifs citoyens : Fan de CNews, des “citoyens français […] de [tous] bords politiques” ayant trouvé dans la chaîne “un média qui [les] respecte et qui respecte la diversité des opinions” ; et Les Corsaires, “des cyber-militants en faveur de la liberté d'expression”. Progressif Media s’est servie, selon l’enquête de RSF, de ces comptes pour organiser des campagnes massives de publicité dissimulée au bénéfice de CNews et de dénigrement des médias concurrents – principalement du service public.  

Interrogé au sujet des pratiques de cette société dont il est actionnaire, le groupe Vivendi a reconnu auprès du journal Le Monde que le groupe Canal+, propriétaire de la chaîne CNews, s’était tourné vers cette “agence spécialisée en e-réputation” et lui avait confié comme mission “une animation de communauté sur les réseaux sociaux pour contrecarrer certains arguments à propos de CNews, ainsi qu’“une étude comparative du traitement des médias à la suite de la décision du Conseil d'État de février”. Affirmant ne pas avoir “connaissance des éventuelles pratiques illégales attribuées à Progressif Media”, le groupe Vivendi a soutenu qu’il s’agissait de “pratiques courantes de gestion de marque et d’audience”

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Publié le
Updated on 23.07.2024