Reporters sans frontières rappelle que le gouvernement cubain n'a jamais concrétisé ses engagements formels en matière de droits de l'homme. L'organisation redoute les insuffisances de l'examen périodique universel de l'ONU et souhaite que se poursuivent les médiations extérieures en faveur de la libération des journalistes emprisonnés.
Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies doit procéder, le 5 février 2009 à Genève, à l'examen périodique universel de la situation des droits de l'homme à Cuba. En dépit des dénégations des autorités de La Havane qui disent avoir “la conscience tranquille”, Reporters sans frontières rappelle que 23 journalistes demeurent incarcérés dans l'île au seul motif de penser autrement qu'un gouvernement qui ne tolère pas de presse indépendante. L'organisation espère que la médiation d'autres pays d'Amérique latine et de l'Espagne, ainsi que la volonté de dialogue affichée avec la nouvelle administration américaine, permettront d'aboutir à leur libération.
“Près d'un an après la prise de fonctions officielle de Raúl Castro, le 24 février 2008, les quelques signes d'ouverture donnés par le régime restent bien en deçà des attentes de la société civile cubaine et de la communauté internationale qui la soutient. Le gouvernement cubain a signé, à l'époque, les deux Pactes des droits de l'homme de l'ONU mais ne les a toujours pas ratifiés. La levée définitive, en juin dernier, des sanctions européennes prises après le ‘Printemps noir' de mars 2003 et rapidement suspendues, n'a donné lieu à aucune contrepartie, et Cuba reste la deuxième prison du monde pour les journalistes après la Chine. L'examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, où Cuba dispose d'un siège, ou la visite annoncée du rapporteur spécial de l'ONU sur la torture, ne doivent pas servir à exonérer le pays de ses engagements et des gestes concrets qu'impliquent ceux-ci. C'est aussi pourquoi nous demandons aux États en dialogue avec l'île d'intensifier leur médiation en faveur de la libération des journalistes emprisonnés”, a déclaré Reporters sans frontières.
Selon un rapport rendu public le 2 février 2009 par la Commission cubaine pour les droits de l'homme et la réconciliation nationale (CCDHRN, illégale mais tolérée par le régime), les prisons cubaines comptent actuellement 205 prisonniers contre 234 au début de l'année 2008. Malgré quelques libérations, effectuées au compte-gouttes, ou des suspensions de peine pour raisons de santé, le document relève, au cours de l'année 2008, le décès de 54 détenus par suicide, négligence des autorités pénitentiaires ou crimes commis par des détenus de droit commun. Le rapport de la CCDHRN estime également à plus de mille les brèves détentions infligées à des personnes soupçonnés de dissidence au cours de l'année écoulée.
Pour sa part, renvoyé en cellule en 2008, après un long séjour à l'hôpital de la prison du Combinado del Este (La Havane), le correspondant de Reporters sans frontières et directeur de la revue De Cuba Ricardo González Alfonso a été régulièrement privé de communications téléphoniques avec ses enfants depuis le mois de décembre. Il venait de recevoir le prix Reporter sans forntières du journaliste de l'année 2008. Condamné à vingt ans de prison lors du “Printemps noir” de 2003, le journaliste, âgé de 58 ans, séjourne actuellement dans une cellule d'isolement insalubre et humide où son état de santé se détériore.
Egalement soumis à de sévères mesures d'isolement, Fabio Prieto Llorente, 45 ans, purge lui aussi une peine de vingt ans de prison depuis mars 2003. Détenu à la prison d'El Guayabo, sur l'Ile de la Jeunesse (Ouest) dont il est originaire, le journaliste indépendant observe, depuis le 28 janvier 2009, une grève de la faim en guise de protestation contre le harcèlement constant infligé par ses gardiens et les agents de la Sécurité de l'État (police politique).
Journaliste de la Cooperativa Avileña de Periodistas Independientes, condamné en 2003 à vingt ans de prison, Pablo Pacheco Avila, 38 ans, a été transféré du pénitencier de Morón vers celui de Canaleta (province de Ciego de Ávila, centre), au début du mois de janvier 2009. D'après un codétenu, la prochaine visite du rapporteur spécial de l'ONU sur la torture expliquerait ce transfert, le temps nécessaire au réaménagement de la prison de Morón.
Condamné lors du “Printemps noir” à vingt-cinq ans de prison, le directeur du Colegio de Periodistas Independientes de Camagüey (Centre) Normando Hernández González, 39 ans, a quant à lui été admis, le 8 janvier 2009, à l'hôpital pénitentiaire du Combinado del Este. Malade et aujourd'hui incapable de s'alimenter normalement, le journaliste n'a jamais reçu les soins adaptés à son état. Le gouvernement du Costa Rica avait offert de l'accueillir sur son sol pour raisons humanitaires. Cette demande n'a jamais obtenu de réponse.
Parmi les 23 journalistes dissidents actuellement emprisonnés à Cuba, 19 ont été arrêtés en 2003 et condamnés à des peines allant de quatorze à vingt-sept ans de prison, sous le prétexte fallacieux d'être “des mercenaires à la solde des États-Unis”.