Etude sur le blocage des sites Internet ouïghours : le Xinjiang toujours coupé du monde

Reporters sans frontières a mené une enquête sur la situation de l'accès aux sites Internet dédiés à la communauté ouïghoure. La plupart de ces sites, en langue ouïghoure, chinoise et parfois anglaise, fait par ou pour des Ouïghours, sont, pour la grande majorité, inaccessibles aux internautes, que ceux-ci soient basés au Xinjiang ou bien à l'étranger. Sur 91 sites répertoriés, plus de 85% étaient bloqués, censurés ou hors d'atteinte. "La discrimination qui frappe depuis des décennies les Ouïghours dans leur liberté d'expression, leur liberté religieuse et économique, s'étend maintenant à leur accès à Internet. Presque quatre mois après les violences à Urumqi, les autorités chinoises maintiennent la province coupée du monde. L'illusion de la normalité ne doit pas tromper, la majorité des Ouïghours ne peuvent toujours pas consulter Internet, envoyer des SMS ou tout simplement téléphoner. Et les motifs officiels de ce black out – "les terroristes utilisent Internet et les SMS" – sont inacceptables. Est-ce que les autorités pakistanaises ou afghanes suspendent Internet car les terroristes envoient des emails ? Non. Le gouvernement chinois semble plutôt intéressé d'empêcher les habitants du Xinjiang de faire sortir les informations sur la situation réelle dans la province, notamment la répression qui a suivi les émeutes de juillet", a affirmé l'organisation. Reporters sans frontières demande que les connexions Internet et téléphoniques soient rétablies dans les meilleurs délais au Xinjiang. "Les sites en ouïghour ou dédiés au Xinjiang qui ont été fermés par dizaines doivent être rouverts et leurs responsables libres de leurs mouvements", a précisé l'organisation. Réalisée en octobre 2009, l'enquête repose sur l'examen d'une centaine de sites Web, portails, forums, blogs et autres plateformes ouïghoures. Plusieurs facteurs ont été pris en compte au cours de cette enquête, comme le pays dans lequel le site Internet est basé, le type de site (forum, blog, etc.), le type de contenu offert par le site (informations, politique, culture, sport, etc.), la langue et les problèmes rencontrés lors de la visite du site (changement d'adresse, délai d'ouverture du site trop long, message d'erreur, etc.). Les résultats sont éloquents sur la situation de quasi-paralysie de l'Internet ouïghour depuis près de quatre mois. Plus de 85% des sites sont inaccessibles et on compte parmi eux des sites très populaires tels que www.diyarim.com, www.xabnam.com ou www.ulinix.com, site enregistré au nom de l'université du Xinjiang et faisant office de portail Web. Plus de la moitié des sites visités, comme www.uzmakan.com ou www.uzonline.net dont l'adresse fait explicitement référence à la communauté ouïghoure, sont inaccessibles en raison de délais de connexions dépassés. D'autres sites affichent des messages d'erreur temporaires depuis plusieurs mois, qui masquent une fermeture définitive. Les rares sites accessibles, à l'instar de www.uighurbiz.net, sont basés à l'étranger, souvent aux Etats-Unis où la diaspora ouïghoure est importante, ou bien en Chine, mais dans ce cas leur contenu n'est jamais politique, et ne traite pas d'informations sensibles (par exemple: http://www.qutyar.blogbus.com). Certains sites sont victimes de censures ciblées. Durant l'enquête, la rubrique d'informations du site www.gazina.com était inaccessible alors que les rubriques de musique et de cinéma fonctionnaient. Les sites www.akburkut.com, bbs.tahdir.com, www.uyghurum.net ou http://karamet.5d6d.com/ ne permettaient pas de s'enregistrer pour poster des messages. Depuis juillet 2009, de nombreux témoignages ont confirmé l'état d'isolement dont est victime le Xinjiang, et du désarroi des propriétaires de cybercafés et de magasins en ligne ou des étudiants qui attendent qu'Internet fonctionne à nouveau. Les habitants rencontrent également des difficultés pour envoyer et recevoir des mails et des messages par téléphone. D’autre part, les autorités chinoises continuent à censurer régulièrement des sites Internet. Un site, en moyenne, se retrouve fermé tous les deux jours. Ainsi, le 24 octobre, les blogs établis sur la plateforme du site Free China Forum (http://zyzg.us.), l’un des plus influents dans le débat politique, ont subi ce traitement. De même, le site officiel Window of Southern Breeze, lié au magazine en ligne du Guangzhou Daily News Corporation, a été bloqué le 26 octobre. Selon l'organisation CHRD, le site avait mis en ligne un article du magazine papier du 21 octobre relatant des incidents impliquant la police. L’article a dû être retiré d’autres sites qui l’avaient également republié. Enfin, Reporters sans frontières est inquiète de l'arrestation, le 1er octobre 2009, du journaliste ouïghour Hailaite Niyazi, ancien rédacteur du site Uighurbiz.net. Sa famille aurait été informée trois jours plus tard, qu'il était suspecté d'"avoir mis en danger la sécurité nationale". Cette arrestation serait liée au contenu d'une interview que Hailaite Niyazi aurait donné sur l'attitude du gouvernement régional suite aux émeutes. Par le passé, le site Uighurbiz.net a été accusé à plusieurs reprises d'"encourager les violences" au Xinjiang.
Publié le
Updated on 20.01.2016