Etats-Unis: Al-Jazeera sommée de s’enregistrer comme un « agent étranger »
RSF demande au département de la Justice américaine de rejeter les demandes faites par des membres du Congrès pour que la chaîne Al-Jazeera, basée au Qatar, soit enregistrée comme « agent étranger ». Un gouvernement n’a pas à donner son avis sur les décisions éditoriales d’un organe de média et ce genre d’interférence est une première étape vers la censure.
Le 6 mars 2018, le sénateur Ted Cruz ainsi que 18 autres membres du Congrès ont envoyé une lettre au procureur général, Jeff Sessions, dans laquelle ils exhortaient le département de la Justice à enquêter sur la chaîne d'informations Al-Jazeera, afin de déterminer si ce média financé par le gouvernement qatari devait être sommé de s’enregistrer comme “agent étranger”, conformément à la loi sur l'enregistrement des agents étrangers (FARA). Selon les auteurs de cette lettre, les contenus éditoriaux d’Al-Jazeera porteraient atteinte aux intérêts américains et représenteraient une menace pour la sécurité nationale. En cause, selon eux : la manière supposément “favorable” dont la chaîne évoque, dans ses sujets, des organisations considérées comme terroristes par le Département d’Etat et la vision “radicalement anti-américaine, antisémite, et anti-Israël” qu’elle véhicule. Al-Jazeera a de son côté démenti ces allégations et affirme que l'autorité régulatrice des communications du Royaume Uni a déjà procédé à une enquête la concernant et qu’aucune charge n’avait été retenue.
“Il ne devrait pas incomber aux gouvernements de juger de la légitimité des organes de presse, en dépit de l’influence que le gouvernement qatari pourrait exercer sur la ligne éditoriale d’Al-Jazeera”, a affirmé Margaux Ewen, directrice du bureau Amérique du Nord de RSF. La chaîne Al-Jazeera, qui a déjà été récompensée pour ses qualités journalistiques, contribue au pluralisme dans les médias sur le plan international et la réduire à une agence du gouvernement qatari est irresponsable.”
La lettre des membres du Congrès a été rédigée en réponse à une décision rendue en août dernier par le Département de la Justice concernant RT America, une chaîne d’information basée à Washington et financée par le Kremlin. Ce média avait alors été sommé de s’enregistrer en tant qu’« agent étranger » en vertu de la législation FARA. Cette loi a pour but de surveiller l’influence que peut avoir une puissance étrangère sur la classe politique aux Etats-Unis.
Suite à cette décision, la Russie a riposté. Voice of America, Radio Free europe/Radio Free Liberty ainsi que sept autres médias américains affiliés ont été classés comme “agents de l’étranger” par le ministère russe de la Justice. À l’époque, RSF avait déjà exprimé son inquiétude en estimant qu’une telle décision risquait de restreindre encore plus l’accès des citoyens russes à une information libre, dans un contexte de pression sans précédent sur les médias locaux.
Les Etats-Unis ont perdu en un an deux places au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF et se situent désormais à la 43e place.