Escalade sans fin de la répression au Turkménistan : encore un journaliste arrêté

Reporters sans frontières (RSF) appelle à la libération immédiate et inconditionnelle de Khoudaïberdy Allachov, correspondant du service turkmène de Radio Free Europe / Radio Liberty (RFE/RL), et de sa mère. Ils sont détenus depuis le 3 décembre 2016 sur une accusation de détention de tabac.

Le 3 décembre, un groupe de policiers a investi le domicile de Khoudaïberdy Allachov à Kounia-Ourguentch, dans le nord du pays, avant de le rouer de coups. Quelques paquets de tabac ont été trouvés durant la perquisition, qui ont servi de base à des accusations contre le journaliste et sa mère, immédiatement conduits au commissariat. Si la possession de tabac à chiquer est interdite au Turkménistan, elle est généralement tolérée et, d’après RFE/RL, n’a jamais entraîné d’arrestation.


La contrebandière qui a vendu les paquets de tabac a elle-même été détenue quelques heures et confrontée à Khoudaïberdy Allachov. Elle a rapporté à RFE/RL qu’il était couvert d’ecchymoses et incapable de parler ni même de lever la tête. Depuis le jour de l’arrestation, personne n’a vu ni obtenu la moindre nouvelle de sa mère.


La femme de Khoudaïberdy Allachov, arrêtée puis relâchée à deux reprises, a été informée d’une déclaration signée par son époux, dans laquelle il “avouait” la détention de 11 kilogrammes de tabac, sans commune mesure avec la dose retrouvée durant la perquisition. Le procès devait se tenir le 5 décembre, à huis clos, sans la présence du moindre avocat, mais personne n’a d’information sur sa teneur ni sa conclusion. Khoudaïberdy Allachov risque jusqu’à sept ans de prison. Il avait commencé à collaborer avec RFE/RL trois ou quatre mois avant son arrestation. Il couvrait des sujets sensibles tels que les pénuries alimentaires et la récolte de coton.


“Il ne fait aucun doute que la persécution de Khoudaïberdy Allachov est liée à ses activités journalistiques, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Soumis à de mauvais traitements, contraint à des aveux forcés, il est désormais en grand danger. Nous exhortons de nouveau la communauté internationale à prendre la mesure de la vague de répression qui s’abat actuellement sur les derniers journalistes indépendants turkmènes et à mettre Achgabat devant ses responsabilités. Le conseil des ministres de l’OSCE, qui se tient aujourd’hui à Hambourg, lui en offre l’opportunité : les pays qui affichent toujours des valeurs démocratiques doivent faire entendre leur voix et exiger la libération de Khoudaïberdy Allachov et de sa mère, ainsi que du journaliste Saparmamed Nepeskouliev, emprisonné depuis juillet 2015.”


Figurant à la 178e place sur 180 au Classement mondial 2016 de la liberté de la presse, le Turkménistan n’a jamais toléré aucune information critique à l’égard du régime et de ses dignitaires. On assiste pourtant, depuis plusieurs mois, à une nouvelle escalade dans la répression contre les derniers collaborateurs des médias indépendants basés à l’étranger, notamment RFE/RL. La journaliste Soltan Achilova a été victime de trois agressions en novembre 2016. Le même mois, Rovchen Yazmouhamedov a été menacé de voir commuée en prison ferme la peine de prison avec sursis dont il avait écopé en 2013. Le journaliste Saparmamed Nepeskouliev croupit en prison depuis près d’un an et demi. Durant l’année 2015, pas moins de six contributeurs de RFE/RL ont été contraints de quitter leur travail suite à des pressions.

Publié le
Mise à jour le 07.12.2016