Deux nouveaux journalistes ont été condamnés « par défaut » à de lourdes peines

Le 10 novembre, Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de la presse, et JED (Journalistes en Danger), son organisation partenaire en République Démocratique du Congo, ont écrit au ministre de la justice et droits humains, Monsieur Luzolo Bambi Lessa à propos de la condamnation de deux journalistes. Les deux organisations ne s’opposent pas aux procès des deux journalistes. Mais au nom de la démocratie et de la liberté de la presse, nous appelons à une réforme des lois qui s'appliquent à la presse. Le 2 novembre dernier, le journaliste Achille Kadima Mulamba, directeur de publication du journal Africa News, a été condamné en première instance à huit mois de prison et au payement de 10 000 dollars US d'amende par le Tribunal de Paix de Kinshasa/Gombe. Reconnu coupable "par défaut" de diffamation et de "mauvaise foi" à l'encontre de M. Alexis Thambwe Mwamba Junior, coordinateur et ordonnateur national délégué de la Cellule d'appui du fonds européen de développement (COFED), le journaliste n'a pas eu l'occasion de se défendre. Le même jour, un autre journaliste, Kambale Maghaniryo, surnommé El Kate, de la Radio Télévision Gabren Beni (RTGB), a été également condamné "par défaut" à vingt-quatre mois de prison ferme. Il a été, comme son collègue, reconnu coupable de "dénonciations calomnieuses" suite à une plainte déposée par la capitaine Bokwala, commandant de la police des frontières à Beni. Le jugement a été prononcé en l'absence du journaliste et de son avocat, bloquant ainsi toute possibilité de faire appel. Le journaliste vit depuis lors en clandestinité. Nos deux organisations ne se prononcent pas sur le fond des affaires qui ont conduit à la condamnation du journaliste. Nous nous inquiétons d’une décision de justice qui nuit à la liberté de la presse et anéantit le rôle des médias dans tout effort de lutte contre la corruption et d’instauration de la bonne gouvernance. En effet, L'article 74 du code pénal invoqué par le juge, et qui date de l’époque révolue de la dictature, stipule qu’en matière de diffamation, le juge n'est lié ni à la véracité ni à la fausseté des informations diffusées par le journaliste et ne privilégie que "l'honneur et la considération" de la personne incriminée. De telles formulations laissent peu de place à l'exercice d'une justice équitable. A l'heure où le débat sur la dépénalisation des délits de presse s'intensifie, nous déplorons que la République démocratique du Congo continue à appliquer des lois iniques et archaïques pour condamner des journalistes qui « dérangent ». Reporters sans frontières et JED ont rappelé également que vingt-neuf organisations membres de l'IFEX (International Freedom of Expression Exchange), une plateforme regroupant toutes les organisations de défense de la liberté de la presse à travers le monde, ont apporté leur soutien, le 14 septembre 2010, à la lettre ouverte qu'elles avaient adressée au président Joseph Kabila, le 30 août dernier. Dans cet appel, les trente et une organisations demandaient au chef de l'Etat congolais : l'application d'un moratoire sur les emprisonnements des journalistes pour les délits de diffamation et d'offense aux autorités, dans la perspective de l'élection présidentielle de 2011, afin de permettre aux professionnels de l'information de jouer leur rôle de quatrième pouvoir contre la corruption et les tentatives potentielles de fraude électorale. Dans cette perspective, Reporters sans frontières et JED demandent que le procès en appel permette à Achille Kadima Mulamba de se défendre normalement, comme dans tout procès équitable. Nous sommes convaincus que les juges entendront ses arguments. Nous demandons également que le procès de Kambale Maghaniryo soit révisé selon une procédure équitable. Photo : copyright Luzolo Bambi Lessa, ministre de la justice (cdn.wn.com)
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Updated on 20.01.2016