Reporters sans frontières s'insurge contre la condamnation à deux ans de prison ferme, le 15 octobre 2008, du journaliste Nguyen Viet Chien du quotidien Thanh Nien, par un tribunal populaire de Hanoi, pour sa couverture d'un vaste scandale de corruption en 2006. Un autre journaliste de la presse libérale, qui a plaidé coupable, a été condamné à une peine avec sursis.
Reporters sans frontières s'insurge contre la condamnation à deux ans de prison ferme, le 15 octobre 2008, du journaliste Nguyen Viet Chien du quotidien Thanh Nien, par un tribunal populaire de Hanoi, pour sa couverture d'un vaste scandale de corruption en 2006. Un autre journaliste de la presse libérale, qui a plaidé coupable, a été condamné à une peine avec sursis.
"Le verdict de ce procès constitue un terrible retour en arrière pour le journalisme d'investigation dans le pays. Les bases fragiles d'une presse capable de jouer son rôle de contre-pouvoir sont ébranlées. Nous demandons aux autorités vietnamiennes d'accorder au plus vite une liberté anticipée à Nguyen Viet Chien. Et nous appelons la communauté internationale, notamment l'Union européenne, à conditionner plus étroitement son aide publique au Viêt-nam au respect de la liberté de la presse et à la libération des journalistes emprisonnés", a affirmé l'organisation.
Nguyen Viet Chien a été reconnu coupable, après deux jours de procès, "d'avoir abusé des libertés démocratiques pour enfreindre les intérêts de l'Etat". Le président du tribunal, le juge Tran Van Vy, a déclaré, avant d'énoncer le verdict, que Nguyen Viet Chien avait publié des informations fabriquées et qu'"il nuisait au prestige de certains officiers de haut rang, incitant la population à avoir une opinion négative des hautes sphères du pouvoir". Nguyen Viet Chien avait plaidé non coupable en déclarant : "Les informations utilisées dans mes articles de presse ont été données par des responsables de la police."
Nguyen Van Hai, le second journaliste accusé dans cette affaire, a été condamné pour les mêmes charges à deux ans de rééducation sans détention. Selon les mots du président du tribunal, Nguyen Van Hai s'est vu attriber une peine plus légère pour sa "coopération active avec les enquêteurs et ses remords". Nguyen Van Hai avait en effet plaidé coupable en avouant avoir commis des erreurs dans certains de ses articles. Lors du premier jour du procès, il avait éclaté en sanglots à la barre.
Un colonel de police, le général Pham Xuan Quac, et un des enquêteurs, Dinh Van Huynh, ont été accusés d'avoir "délibérément révélé des informations secrètes". Pham Xuan Quac, qui avait démissionné, s'est vu délivrer un avertissement alors que Dinh Van Huynh a reçu une peine d'emprisonnement d'une année.
14.10 - Des peines de prison requises contre les journalistes Nguyen Van Hai et Nguyen Viet Chien
Reporters sans frontières dénonce la requête du parquet de la Cour populaire de Hanoi, au premier jour du procès intenté à deux journalistes vietnamiens influents, réclamant des peines de prison à l'encontre de Nguyen Van Hai du journal Tuoi Tre et Nguyen Viet Chien du quotidien Thanh Nien. Pour Nguyen Van Hai, qui a plaidé coupable, le procureur a demandé 18 à 24 mois de prison avec sursis, sous forme de rééducation. Pour Nguyen Viet Chien, la peine requise est de 24 à 30 mois de prison ferme.
L'Etat vietnamien les accuse d'avoir publié des informations inexactes sur le scandale de PMU 18, provenant de deux officiers de police, Pham Xuan Quac et Dinh Van Huynh. Face aux juges, Nguyen Van Hai a avoué avoir commis des erreurs dans certains de ses articles. Il a éclaté en sanglots à la barre. De son côté, Nguyen Viet Chien s'est montré combatif, affirmant être un journaliste doté de principes, dont le seul objectif est de lutter contre la corruption. "Dès que la police nous donne une information, ce n'est plus un secret", a-t-il rétorqué à un représentant du parquet qui l'accusait d'avoir révélé des secrets d'Etat.
L'un des procureurs a affirmé que toutes les informations venant de sources policières étaient illégales, la loi sur la presse vietnamienne interdisant aux médias d'utiliser des sources non autorisées. "Les forces hostiles, les réactionnaires et les opportunistes politiques" ont tiré avantage de ce scandale pour attaquer les dirigeants du Viêt-nam, a affirmé l'un des procureurs cité par l'Agence France-Presse. Les médias étrangers et les diplomates qui en avaient fait la demande ont pu assister au procès par le biais d'un téléviseur installé dans une salle adjacente au tribunal.
Reporters sans frontières salue la mobilisation de dizaines de journalistes vietnamiens qui se sont rassemblés à l'extérieur du tribunal pour soutenir leurs collègues.
10.10 - Procès de Nguyen Viet Chien et Nguyen Van Hai : une affaire test pour la liberté de la presse et la lutte contre la corruption
Reporters sans frontières appelle les magistrats vietnamiens qui vont juger, à partir du 14 octobre 2008, les journalistes Nguyen Viet Chien et Nguyen Van Hai, à prononcer un non-lieu et à ordonner leur libération. Ce procès est un test crucial pour la liberté de la presse et la lutte contre la corruption au Viêt-nam, dans la mesure où ces deux journalistes d'investigation avaient enquêté sur le scandale du PMU 18, qui avait éclaboussé de hauts responsables. Depuis leur arrestation, les autorités ont renforcé leur contrôle sur la presse libérale et sanctionné des journalistes qui avaient soutenu publiquement leurs collègues.
"En jugeant Nguyen Viet Chien et Nguyen Van Hai, les autorités ont choisi de se venger de journalistes trop audacieux, qui ont révélé des affaires gênantes et offert un ton plus libre à la presse vietnamienne. Alors que certains officiels corrompus ont bénéficié d'une relative clémence, ce sont, aujourd'hui les journalistes qui sont sur le banc des accusés. C'est une insulte à la justice. Ce procès est l'épicentre d'un séisme qui a détruit les bases encore fragiles d'une presse plus indépendante et désireuse de jouer son rôle de contre-pouvoir", a affirmé l'organisation.
Accusés dans un premier temps d'"abus de pouvoir" dans l'exercice de leurs fonctions, les deux journalistes risquent jusqu'à sept ans de prison pour "abus des droits démocratiques dans le but de porter atteinte aux intérêts de l'Etat, des organisations et des citoyens". L'avocat de l'un des deux prévenus a critiqué la requalification des charges, intervenue sans aucune explication de la part du ministère public. Le procès doit s'ouvrir le 14 octobre devant la Cour populaire de Hanoi. A leurs côtés, devant les juges, se trouveront deux policiers, notamment le général Pham Xuan Quac, accusés de leur avoir fourni des informations. Ils sont accusés d'avoir "délibérément révélé des secrets d'Etat."
Reporters sans frontières a recueilli des témoignages de journalistes, de diplomates et de militants de la liberté d'expression qui redoutent les effets très négatifs de ce procès sur la liberté de la presse, mais aussi sur la bonne gouvernance dans le pays.
"Ce qui va se jouer devant la Cour est plus important que le procès de deux journalistes innocents. C'est un jugement public qui vise à effrayer toute la profession", a expliqué un collègue des deux prévenus qui a requis l'anonymat, comme la plupart des personnes interrogées. "Nous regardons ce procès de très près car il s'agit d'un test pour le pays", a affirmé, de son côté, un diplomate européen. "Dans la presse vietnamienne aujourd'hui, personne n'ose plus parler de cette fameuse affaire de corruption (...) Ce procès n'est pas seulement celui de deux individus, mais celui de toute la profession", a prévenu Bui Tin, vétéran de la presse officielle résidant désormais en France. "Sur les forums de discussion, il y a beaucoup de commentaires, mais également beaucoup de peur. Tout le monde sait que cette affaire est un retour en arrière", explique enfin un journaliste vietnamien.
Nguyen Van Hai, journaliste du Tuoi Tre (La Jeunesse) et Nguyen Viet Chien, âgé de 56 ans, du Thanh Nien (Les Jeunes) avaient participé aux enquêtes publiées par la presse locale sur le scandale du PMU 18. Cette affaire rendue publique fin 2005 impliquait des dizaines de fonctionnaires du ministère vietnamien des Transports, qui auraient détourné des fonds destinés au développement pour engager des paris sportifs. Le vice-ministre des Transports avait été arrêté dans un premier temps, puis innocenté.
Le 12 mai 2008, les deux journalistes ont été arrêtés par la police. Selon les agents de police qui ont procédé à leur arrestation au sein de leurs rédactions, les deux reporters avaient publié des "informations erronées" sur le scandale du PMU 18. Leurs bureaux et domiciles ont été perquisitionnés.
Dans la foulée de leur arrestation, la police a interrogé de nombreux journalistes, sans épargner les responsables des rédactions. Le quotidien Tuoi Tre, auparavant très apprécié pour son ton indépendant, a été la principale cible de cette reprise en main. "Ce journal a complètement perdu son esprit combatif. Les lecteurs commencent à délaisser Tuoi Tre", a affirmé un journaliste de Hô Chi Minh-Ville.
La détention des deux journalistes d'investigation s'est accompagnée de sanctions à l'encontre des confrères qui les ont publiquement soutenus. Le 1er août, le ministère de l'Information et des Communications a retiré leur carte de presse à sept journalistes, dont Bui Van Thanh et Duong Duc Da Trang, respectivement rédacteur en chef adjoint et chef du bureau à Hanoi de Tuoi Tre, Nguyen Quoc Phong et Huynh Kim Sanh, respectivement rédacteur en chef adjoint et secrétaire de rédaction de Thanh Nien. Très respecté dans la profession, Bui Van Thanh avait notamment déclaré en mai : "La justice a été méprisée. Dans cette affaire, les journalistes sont devenus les victimes."
Peu de temps auparavant, un remaniement à la tête de la rédaction du site d'informations VietnamNet a été perçu par plusieurs observateurs comme une reprise en main de la part du ministère de l'Information. Le remplacement du directeur Nguyen Anh Tuan, journaliste formé aux Etats-Unis, viserait à museler ce site souvent présenté comme un média ouvert.
Ces sanctions inquiètent les responsables des associations de journalistes vietnamiens. Le lendemain de la double arrestation, le président de l'Association de la presse vietnamienne avait déclaré : "La presse est une voix essentielle dans la lutte contre la corruption. (...) Rechercher des informations est le rôle des journalistes. Maintenant que l'affaire est dénoncée clairement au public, la question n'est pas d'examiner la responsabilité des journalistes." De son côté, la présidente de l'Association des journalistes de Hô Chi Minh-Ville avait avoué être choquée et attristée par l'arrestation de ses collègues. Et de préciser qu'elle trouvait que ces "journalistes ont été très courageux dans l'enquête du scandale du PMU 18". Cette affaire a également suscité une vive émotion dans le public. Le jour de leur arrestation, deux mille commentaires avaient été postés à la suite d'un article traitant de l'événement sur un site d'informations.
Depuis mai, les observateurs étrangers ont constaté une reprise en main des lignes éditoriales de la presse libérale. "Après trois jours de critiques ouvertes dans cette affaire, la presse s'est tue. Et on assiste à une perte progressive d'indépendance éditoriale. Même sur l'économie, les journaux sont pleins d'éditoriaux sur le thème 'Tout va bien'. Pour ce qui est du politique, le raidissement est encore plus évident", affirme un correspondant étranger en poste à Hanoi.
L'acharnement des autorités à l'encontre de Tuoi Tre et Thanh Nien est également perçu comme un mauvais coup porté à la lutte contre la corruption. Le journaliste vétéran Thai Duy précise : "Nous sommes tous d'accord, la lutte contre la corruption dans notre pays est une question de vie ou de mort. Faut-il alors arrêter ces deux journalistes, alors qu'aucune personne n'a obtenu réellement des résultats dans cette lutte ? (...) La presse est l'instrument le plus efficace dans ce combat. Si la presse est freinée dans sa marche, alors qu'adviendra-t-il ?" Un diplomate en poste à Hanoi s'inquiète : "Les deux reporters ont travaillé sur un détournement d'argent destiné au développement. Comment le gouvernement peut-il procéder ainsi dans sa lutte contre la corruption ? C'est ce que nous avons dit lors d'une réunion sur la lutte contre la corruption en juin dernier à Hanoi. Pour l'instant, nous n'avons obtenu aucune réaction de leur part."
L'ouverture prochaine du procès s'est accompagnée de déclarations hostiles des plus hautes autorités envers les médias. Le Premier ministre Nguyen Tan Dung a ainsi déclaré qu'il était opposé à ce que des personnes privées puissent se voir accorder le droit à la liberté de la presse. "Nombre de journalistes de la jeune génération ont reçu avec déception et amertume cette déclaration comme un seau d'eau froide sur leur tête alors qu'ils avaient cru, ces derniers temps, à l'avènement d'un renouveau de la profession", explique Bui Tin. Selon ce dernier, les ordres de reprise en main sont venus du bureau politique du Parti communiste vietnamien.
Recommandations :
1. Au gouvernement vietnamien : Suspendre les poursuites à l'encontre de Nguyen Viet Chien et Nguyen Van Hai et permettre la libération des deux journalistes au plus vite. Annuler les sanctions prises à l'encontre des journalistes qui les ont soutenus publiquement.
2. A la Banque mondiale : Conditionner l'octroi de nouveaux prêts à la libération des deux journalistes et la fin du contrôle des médias.
3. Aux gouvernements démocratiques, et notamment à l'Union européenne : Conditionner leur soutien financier au Viêt-nam à une issue positive de cette affaire et à un regain de la liberté de la presse.