Afin de mettre un terme aux tensions inter-religieuses qui sévissent dans la région, les autorités de l’Etat de Jammu-et-Cachemire ont décrété l’interdiction des connexions internet 2G, 3G, GPRS et haut débit dans ce territoire du nord de l’Inde. Débutée le 25 septembre, cette coupure, qui a duré plus de 80 heures, a fortement perturbé le travail des journalistes et des médias, notamment en ligne. L’ensemble de la population de l’Etat, frontalier de la Chine et du Pakistan, a elle été coupée de toute communication et de tout accès à l’information durant plus de trois jours.
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Il est inadmissible qu’un gouvernement puisse ainsi décider arbitrairement de l’accès et du partage de l’information dans un Etat tout entier, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières.
En muselant les journalistes et les internautes qui relaient et commentent les évènements d’actualité dans la région, les autorités accroissent les frustrations et encouragent malgré elles les violences dans les rues.”
Pas d’information pendant trois jours
Le quotidien local
Rising Kashmir n’a pas été en mesure de mettre à jour son site durant l’Aïd
jour à partir duquel les autorités ont décidé de la coupure internet, Ndlr, comme il le fait tous les ans. Selon un rédacteur en chef du journal,
Daanish Bin Nabi, la coupure a fortement affecté le trafic sur le site web et les pages Twitter et Facebook du quotidien, dont le lectorat a déploré l’indisponibilité durant trois jours.
Le rédacteur en chef de la version en ligne du quotidien anglophone
Kashmir Monitor Mubashir Bukhari déplore également l’impact négatif qu’a eu la coupure d’Internet sur l’attractivité de son journal, notamment auprès de son lectorat basé à l’étranger. Selon lui, “
mettre en cage” cet outil prévalent qu’est Internet est totalement inapproprié dans le monde numérique d’aujourd’hui. “
J’ose espérer qu’à l’avenir le gouvernement comprendra le désagrément que représente la coupure d’Internet et réfléchira à deux fois avant de nous renvoyer à l’Age de pierre” confie-t-il à RSF.
Comme le précise
Syed Ali Safvi, correspondant et producer pour
Press TV, la suspension des services Internet n’est pas un phénomène rare au Cachemire. Néanmoins, ce blocage “
à la fois irrationnel et anticonstitutionnel”, vu par les autorités comme une solution, a constitué selon le journaliste un facteur d’aggravation des tensions.
Les tensions inter-religieuses sont particulièrement fortes dans la région depuis qu’une cour de justice a prononcé l’interdiction d’abattre des vaches et de vendre de la viande ovine, une décision fortement contesté par la communauté musulmane.
Cette coupure est intervenue alors que le Premier ministre indien Narendra Modi effectuait du 26 au 30 septembre une visite officielle aux Etats-Unis, lors de laquelle il a notamment présenté son projet d’ “
Inde numérique” aux géants de la Silicon Valley. Après avoir rencontré entre autres les dirigeants de Facebook, Google et Microsoft, Modi a réaffirmé son soutien aux nouvelles technologies. Sa visite a été largement relayée sur Twitter par le Premier ministre, grand amateur des réseaux sociaux. “
D’un côté, le Premier ministre Modi vante une ‘Inde numérique’, de l’autre l’Etat indien renvoie le Cachemire à l’Age de pierre en coupant les services Internet”, résume Syed Ali Safvi.
En 2015, l’Inde a continué d’enregistrer un nombre important de violations de la liberté de l’information, notamment au Cachemire où
les autorités indiennes ont censuré en avril la chaîne Al-Jazeera pour avoir diffusé une carte de la région contraire aux revendications du gouvernement. Les journalistes sont en outre victimes d’
attaques de toutes parts pour leurs écrits sur la corruption, la politique ou la criminalité notamment.
L’Inde figure au
136e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2015 par Reporters sans frontières.