Des actionnaires de Cisco Systems demandent a l'entreprise de rendre des comptes sur son activité dans des pays répressifs

Une résolution qui aurait obligé Cisco Systems à produire un rapport sur son activité dans des pays répressifs a recueilli 29% des voix des actionnaires lors de l'assemblée générale de l'entreprise, le 15 novembre 2006. Il aurait fallu que ce texte recueille plus de 50% des votes pour être adopté. Reporters sans frontières félicite toutefois les actionnaires individuels et les fonds d'investissement qui ont exprimé leur inquiétude concernant les dérives éthiques de leur entreprise. L'organisation appelle par ailleurs les investisseurs américains à engager des procédures similaires lors des assemblées générales d'autres sociétés du secteur d'Internet, Yahoo ! en tête.

Une résolution qui aurait obligé Cisco Systems à produire un rapport sur son activité dans des pays répressifs a recueilli 29% des voix des actionnaires lors de l'assemblée générale de l'entreprise, le 15 novembre 2006. Il aurait fallu que ce texte recueille plus de 50% des votes pour être adopté. Reporters sans frontières félicite toutefois les actionnaires individuels et les fonds d'investissement qui ont exprimé leur inquiétude concernant les dérives éthiques de leur entreprise. L'organisation appelle par ailleurs les investisseurs américains à engager des procédures similaires lors des assemblées générales d'autres sociétés du secteur d'Internet, Yahoo ! en tête. "Il y a encore trois ans, peu d'investisseurs dans le domaine des nouvelles technologies se sentaient concernés par l'éthique de leurs sociétés. Nous constatons aujourd'hui que de plus en plus d'actionnaires sont prêts à se mobiliser pour que des entreprises comme Cisco Systems respectent la liberté d'expression, quel que soit le pays dans lequel elles opèrent. Désormais, aussi bien les législateurs américains que les actionnaires et les clients de ces entreprises s'inquiètent de ces dérives éthiques. Il est temps que les géants du Réseau, en particulier Cisco Systems et Yahoo!, prennent la mesure de ces protestations et réforment profondément leur politique en matière de responsabilité sociale", a déclaré Reporters sans frontières. La résolution, intitulée "Rapport sur un Internet fragmenté", avait été déposée par le fonds d'investissement Boston Common Asset Management (voir le texte ci-dessous). Le comité des directeurs (board of directors) de Cisco Systems avait appelé les actionnaires à voter contre cette résolution. L'année dernière, Boston Common avait déposé un texte similaire, qui avait recueilli 11% des votes. Le fonds d'investissement s'est inspiré du travail effectué par une activiste des droits de l'homme, Ann Lau, qui avait déposé, en 2002 et 2003, des résolutions condamnant les dérives de Cisco Systems en Chine. Cette dernière, qui avait agi au titre d'actionnaire individuel de l'entreprise, avait recueilli, chaque fois, moins de 3% des suffrages. Depuis plusieurs années, Reporters sans frontières demande aux fonds d'investissement de se mobiliser en faveur de la liberté d'expression sur Internet. A l'initiative de Reporters sans frontières, 30 investisseurs ont signé, en 2005, une déclaration insistant sur les responsabilités morales des entreprises du secteur de l'Internet (voir : http://www.rsf.org/fonds-investissement.php3). Cisco Systems a aidé à bâtir le Réseau chinois en 1998. L'entreprise est tout d'abord accusée d'avoir aidé les autorités à paramétrer ses équipements pour permettre le filtrage et la surveillance d'Internet. Elle est par ailleurs mise en cause, sur la base d'informations fournies par le journaliste Ethan Gutman, dans la vente à la police chinoise de systèmes très sophistiqués de communication. Plus d'informations: - Yahoo ! en Chine - Le texte de la résolution déposé par le fonds d'investissement Boston Common: Le 15 février 2006, les responsables de Cisco Systems, de Yahoo !, de Google et de Microsoft avaient été auditionnés par le Comité des relations internationales de la Chambre des représentants aux Etats-Unis concernant leur complicité présumée avec les autorités chinoises, qui multiplient les atteintes aux droits de l'homme. Mark Chandler, secrétaire général de Cisco System avait déclaré à cette occasion : "Certains pays ont choisi de restreindre ou de limiter l'accès à l'information sur Internet pour des raisons politiques... Nombreux sont ceux qui critiquent l'activité du gouvernement chinois dans ce domaine. En réalité, le problème est mondial. Certains pays du Moyen-Orient bloquent aussi des sites qui critiquent leur leadership. "Les efforts sont en cours pour morceler le Réseau. De telles politiques rendent plus difficile pour les internautes de contourner la censure. (...) "Le pouvoir libérateur d'Internet dépend de son existence en tant que réseau mondial.... Quelle que soit la politique menée, Internet doit rester un outil privilégié pour véhiculer des idées et des valeurs de liberté. Nous devrions tenir cette promesse. Cisco a vendu ses produits, dont des logiciels de surveillance d'Internet, d'abord à des revendeurs, puis à des Etats et des agences gouvernementales du monde entier. Le Département d'Etat américain et d'autres organismes se sont renseignés sur la manière dont les différents gouvernements avec lesquels Cisco fait affaire surveillent, censurent et emprisonnent des internautes par le biais de manipulations des technologies de l'Internet." Monsieur Chandler a affirmé devant la Commission de la Chambre des représentants que le développement d'Internet "est passé par la standardisation d'un même réseau mondial. Le développement de ce type de réseau a été et reste l'essence même de la mission de Cisco". En octobre 1998, Cisco a annoncé avoir été sélectionné par la Chine pour mettre en place les bases de son réseau Internet. Ce réseau, appelé "le Grand pare-feu de la Chine", est devenu aujourd'hui synonyme de censure, d'Internet fermé qui, selon monsieur Chandler, menace la mission même de Cisco dans le pays. Le Département d'Etat américain s'est aussi renseigné sur les efforts entrepris pour freiner le développement du réseau Internet saoudien, où Cisco a récemment annoncé avoir investi, sur cinq ans, plus de 265 millions de dollars et collaboré avec plus de 150 partenaires. Une loi a été introduite à la Chambre des représentants concernant "les coopérations commerciales avec des pays qui restreignent l'accès à Internet et qui mènent une politique de censure sur Internet ». Elle prévoit des amendes et des peines d'emprisonnement. (The Global Online Freedom Act of 2006 (H.R. 4780)). Résolution La requête des actionnaires est de faire publier un rapport, dans les six mois, sans engager de frais démesurés, établissant une liste et une évaluation des mesures concrètes que l'entreprise pourrait raisonnablement prendre pour réduire les probabilités que ses pratiques commerciales n'entraînent davantage de violations des droits de l'homme, en particulier la liberté d'expression, et davantage de fragmentation du Réseau. Déclaration de soutien : Le rapport demandé par les actionnaires devra inclure une analyse de la politique de l'entreprise concernant l'impact de ses activités sur les droits de l'homme et sur le morcellement du Réseau. ---------- La résolution, et la réponse du bureau des directeurs de Cisco Systems, est disponible sur : http://www.cisco.com/web/about/ac49/ac20/ac19/ar2006/proxy/index.html#proposal_no5 ------------- Créer votre blog avec Reporters sans frontières : www.rsfblog.org
Publié le
Updated on 20.01.2016