De nouvelles régulations dangereuses pour la presse libérale

Reporters sans frontières se dit très préoccupée par les nouvelles régulations imposées par le Département de la propagande aux médias basés en province. "Si la Chine ne dispose pas de loi sur la presse, l'accumulation de régulations drastiques a peu à peu constitué un carcan législatif limitant considérablement la liberté des médias. Ces nouvelles règles s'ajoutent à la loi sur les secrets d'Etat et sur la subversion qui ont été maintes fois utilisées par les autorités pour punir les journalistes. Nous appelons le Premier ministre Wen Jiabao à faire annuler ces nouvelles directives, une véritable épée de Damoclès pour la presse libérale et les journalistes d'investigation", a affirmé l'organisation. Reporters sans frontières a été informée par des journalistes chinois que le Département de la propagande avait imposé de nouvelles restrictions aux médias chinois : 1. Les journaux doivent cesser d'échanger des articles avec des médias d'autres provinces. 2. Les médias basés dans les métropoles (Dushi Bao) se voient interdire de faire leurs propres reportages ou de modifier des articles de médias officiels pour leurs pages internationales et d'actualité nationale. Les bureaux du Département de la propagande dans quatre provinces du Sud et à Pékin ont directement rappelé à l'ordre les responsables des principaux médias libéraux. Ainsi, depuis début juillet, dans la province du Hunan, les pages internationales des journaux locaux ne contiennent que des dépêches de l'agence officielle Xinhua. Et plusieurs responsables de rédaction à Pékin, dans le Guangdong et le Shandong, ont confirmé qu'ils allaient cesseraient d'échanger des articles avec les journaux d'autres provinces. Selon le journal Ming Pao de Hong Kong, ces régulations sont en place depuis le 1er juillet 2010. Le quotidien précise que les autorités ont insisté pour que les reportages négatifs sur les forces de l'ordre et la justice soient éradiqués de la presse. Ces nouvelles directives pourraient être liées à l'affaire de l'éditorial commun (http://fr.rsf.org/chine-censure-et-menaces-de-sanctions-09-03-2010,36622.html) qui avait fallu à Zhang Hong, rédacteur en chef adjoint du journal Economic Observer, d'être démis de ses fonctions en mars dernier. Depuis 2004, le Comité central du Parti communiste a interdit aux médias de pratiquer le yidi jiandu (reportage inter-régional). Pourtant, la presse libérale, notamment des provinces du Sud, continue à publier des informations sensibles sur des affaires concernant d'autres régions. Selon un expert des médias chinois, cet "ordre de 2004 venant des dirigeants du parti a compliqué la tâche des journalistes d'investigation." Interrogé par Reporters sans frontières, un journaliste de Pékin a déclaré que si ces régulations sont appliquées drastiquement, cela va "tuer toutes les informations un tant soit peu négatives dans les journaux régionaux". "Même si on peut douter que les autorités les appliquent à la lettre, elles pourront s'en servir pour punir tel ou tel média. Cela place les médias locaux en position de faiblesse. Tout est fait pour éviter que les scandales sortent dans des titres de régions voisines", précise ce reporter d'investigation. Les grands journaux régionaux, comme le Nanfang Dushi Bao de Canton, ont peu de correspondants dans d'autres provinces chinoises. Ils dépendent d'autres médias locaux avec lequels ils échangent des informations. "Il est moins risqué de sortir une information sensible sur le responsable d'une province voisine que sur celui de notre propre province", précise un journaliste de Shanghai. Une dizaine de médias chinois, notamment les magazines économiques China Economic Times, Business Watch, ont été récemment sanctionnés pour des reportages (http://fr.rsf.org/chine-sanctions-contre-la-presse-12-05-2010,37466.html). Le gouvernement central, confronté à de nombreuses manifestations sociales, est engagé dans une nouvelle phase de contrôle de l'information. Sous l'impulsion de Wang Chen, directeur du Bureau de l'information du gouvernement, la censure d'Internet s'accentue (http://fr.rsf.org/chine-le-microblogging-dans-le-16-07-2010,37970.html) tandis que les médias officiels, notamment l'agence Xinhua, ont reçu de nouveaux financement pour se développer à l'étranger pour présenter la "version chinoise" de l'information.
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Updated on 20.01.2016